Le Tombeau De Jésus
concevable que, par exemple, un cousin de Jésus nommé Matthieu, d’après le nom du grand-père, ait été enterré dans le tombeau de famille. Par ailleurs, les Actes des Apôtres (1,23-26), relatent un incident intéressant dans lequel les disciples de Jésus votent pour choisir celui qui remplacera Judas Iscariote. Et c’est un Matthieu qui est élu. S’il s’agissait d’un membre de la famille, cela expliquerait cette soudaine élévation au statut de disciple. Cependant, l’inscription « Matthieu » sur l’ossuaire du tombeau de Talpiot ne correspondait pas explicitement à un membre connu de la famille. Du point de vue statistique, cela n’invalidait ni ne validait quoi que ce soit. Je décidai de ne pas en tenir compte.
Je m’intéressai ensuite aux symboles qui accompagnaient les inscriptions des neuf ossuaires authentifiés et catalogués. Sur 80/503, une sorte de grande croix gravée dans le calcaire précède les mots « Jésus, fils de Joseph ». Elle est plus haute que le nom, et inclinée vers le côté droit de l’inscription (c’est-à-dire au début d’une inscription hébraïque se lisant de droite à gauche). L’angle formé m’évoqua un tableau médiéval représentant Jésus portant la croix. La profondeur et la largeur de la croix sont identiques aux traits de chaque lettre de l’inscription. Cela suggère que la croix et les mots ont été gravés par la même main et au même moment.
Dans son rapport de 1996, Amos Kloner avait minimisé l’importance de ce symbole en assurant qu’il s’agissait d’une marque faite par un tailleur de pierre ou par la personne qui avait rassemblé les os dans l’ossuaire. Selon lui, de telles marques étaient destinées à aider les maçons et les proches des défunts à placer les bons couvercles sur les ossuaires correspondants, et dans la bonne orientation. Un V ou un X à gauche de la boîte correspondant à une petite incision identique du même côté sur le couvercle aurait en effet été compatible avec les nombreux exemples de marques de maçon connues sur d’autres ossuaires. Toutefois, celles-ci n’étaient généralement pas liées au nom du défunt, elles n’étaient pas plus grandes que le nom lui-même et l’on retrouvait toujours une marque correspondante sur le couvercle. Dans le cas présent, au lieu d’une croix, le couvercle portait un chevron, ainsi qu’une étoile à six branches profondément incisée (l’une des branches de l’étoile formait un V à peine visible). Quelle que soit la signification de cette croix, de cette étoile et de ce V, on n’en connaît aucun précédent dans l’univers des marques de maçon.
L’ossuaire de « Matthieu » porte également des marques. Sur une paroi interne, quelqu’un a gravé – semble-t-il dans la précipitation – des lettres de l’alphabet hébraïque en minuscule : un mem (M), un tav (T) et un hé (H). Il pourrait s’agir de la transcription de « Matya »
— Matthieu. Peut-être une marque de maçon avant d’ajouter l’inscription plus formelle sur la paroi extérieure.
L’ossuaire « Mariamne » est quant à lui orné de deux V côte à côte (sans marques de maçon correspondantes sur le couvercle).
L’ossuaire 80/506 est illisible. Seul un symbole isolé est clairement compréhensible : une grande croix domine tout un côté. Il est bien plus grand que n’importe quelle marque de maçon, ce qui n’avait pas empêché Kloner de décrire ainsi l’ossuaire 80/506 : « La paroi arrière porte une autre grande marque de maçon. »
Amos Kloner a toujours considéré les deux marques en forme de croix, les chevrons, ou encore la lettre hébraïque tav comme des autographes d’ouvriers. La thèse de la croix, en particulier, est demeurée un sujet de dispute ; il l’a combattue sans relâche en avançant toujours le même argument, tiré du dogme inébranlable de l’Église, à savoir que le symbole de la croix ne sera en usage qu’à partir de Constantin, vers 325. Avant cette date, le symbole des chrétiens était le poisson. La découverte d’un poisson ou d’une croix au cours de fouilles est ainsi devenue un système de datation des sites chrétiens pour les archéologues.
Face à ces certitudes répétées pendant des décennies, on s’attendrait que la « ligne de partage » de l’an 325 soit fondée sur un nombre conséquent de données archéologiques irréfutables. Or il n’en est rien. Une enquête
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