Le Tombeau De Jésus
profanateurs de sépultures. De leur côté, les archéologues considèrent les rabbins comme des obscurantistes dont les idées moyenâgeuses font obstacle à la science et au progrès… Yossi voulait que je me rende à Bné Brak, un bastion du conservatisme religieux en Israël. Il voulait que je rencontre le célèbre (ou tristement célèbre, selon les points de vue) rabbi Schmidl, le plus implacable ennemi des archéologues.
— Faisons un compromis, dis-je. Laisse-moi jeter un coup d’œil à travers les puits funéraires sans autorisation rabbinique, et ensuite, s’il y a vraiment un tombeau là-dessous, j’irai voir rabbi Schmidl avant d’y pénétrer.
Il accepta. Nous avons scellé notre entente en rédigeant un « protocole d’accord » au dos d’un set de table emprunté dans une gargote voisine. À présent, il ne me restait plus qu’à trouver le tombeau et à convaincre rabbi Schmidl de me laisser faire ce qui est légalement interdit à tout archéologue en Israël : pénétrer dans une ancienne grotte funéraire. Quelques semaines après mon accord avec Yossi, je retournai en Israël avec mon équipe.
Mon coproducteur, Félix Golubev, est originaire de Saint-Pétersbourg, l’ancienne Leningrad du temps de l’URSS. C’est un homme de taille moyenne, d’une quarantaine d’années, en bonne condition physique et affecté d’un début de calvitie. Il s’exprime avec un lourd accent russe et souffre de ce que les psychanalystes appellent une « compulsion de répétition », c’est-à-dire le besoin de vous demander vingt fois la même chose. Félix est aussi l’un des meilleurs producteurs de documentaires au monde, particulièrement méticuleux. Nous travaillons ensemble depuis des années.
En 1996, Félix et moi avons réalisé un film documentaire sur les dix tribus perdues d’Israël, qui fut diffusé dans le monde entier. Pour ce projet, nous sommes allés dans la région de la passe de Khyber, du côté pakistanais, et, pour couvrir davantage de terrain, j’ai décidé de scinder notre équipe en deux. Je suis donc parti vers le nord avec quelques membres de l’équipe, tandis que Félix, en compagnie de l’assistant-cameraman, prenait la direction de Quetta, au sud, une ville devenue tristement célèbre depuis les attentats du 11 septembre 2001, car elle abrite les quartiers généraux d’al-Qaida. À l’époque, nous savions qu’il y avait des types peu recommandables dans le coin, mais nous ignorions où ils se trouvaient exactement, tout comme la nature réelle du danger.
Félix craignait toutefois de rencontrer des talibans, le mouvement islamiste radical d’Afghanistan. Quelques jours plus tard, à la frontière afghane, à quelques dizaines de kilomètres de Quetta, Félix croisa un camion rempli de talibans armés jusqu’aux dents, qui le forcèrent à ranger sa voiture sur le bas-côté. Ils ne parlaient pas anglais et Félix ne parlait pas le pachtoune, mais, miracle, il réussit à gagner leur sympathie en parodiant une célèbre chanson d’Harry Belafonte, avec pour refrain Mister Taliban ! Les combattants talibans décidèrent alors de lui offrir une escorte armée durant tout son périple dans ce territoire, sans doute le plus dangereux au monde.
Pour le documentaire sur le tombeau de Talpiot, Félix recruta Itay Heled, un Israélien installé avec femme et enfants à Toronto. Itay est un homme très sérieux, au point de paraître dur. Pourtant, cet ancien parachutiste est un tendre qui aime écrire des livres pour enfants et, contrairement à la plupart des Israéliens, demande toujours la permission avant de faire quelque chose. Itay a longtemps travaillé pour l’industrie cinématographique israélienne. Chaque fois que nous avions besoin d’un service, par exemple d’un ouvrier du bâtiment pour aménager une ouverture dans un tombeau, Itay nous envoyait un membre de sa famille ou un ami pour effectuer le travail.
Bill Tarrant est un expert en caméras-robots. Nous n’avions pas les moyens de nous offrir ses services, mais Bill est juif et n’avait pas séjourné en Israël depuis des années. Il était donc ravi de cette occasion de pouvoir y revenir, surtout pour un projet aussi enthousiasmant : filmer lui-même le tombeau de Jésus.
C’était là le noyau dur de mon équipe. Bien sûr, nous avions toujours un cameraman, un preneur de son et un assistant avec nous, mais Félix, Itay et moi-même restions travailler longtemps
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