Le tresor de l'indomptable
examen.
Il se dirigea vers l’estrade, soucieux de savoir qui était à présent dans la grand-salle. Castledene se tenait près des corps. Wendover et Chanson gardaient la porte ; l’escorte, derrière eux, regardait l’abominable spectacle à l’intérieur.
Corbett se tourna vers Wendover.
— Personne n’a rien touché ?
— Personne, Messire, répondit le capitaine. J’en jurerai. Je suis entré et – il montra les cadavres – je les ai vus. Je suis tout de suite ressorti et ai envoyé un message à Sir Walter. Tout le monde a dû attendre à l’extérieur jusqu’à l’arrivée de mon seigneur.
Corbett remarqua l’obséquiosité de Wendover envers Castledene. Il monta sur l’estrade et observa la table préparée avec élégance.
— Le compte y est, se rengorgea Wendover. Il ne manquera ni un bol, ni un gobelet, ni un plat.
Corbett bougonna et se déplaça le long de la table. Il y avait cinq chaires et aucun signe d’une sixième. Paulents avait sans doute occupé celle qui, au centre, avait tout d’un trône, son épouse devait être à sa droite et son fils à sa gauche ; la servante et le mercenaire devaient être installés plus loin. Ils avaient, semblait-il, mangé avec appétit : les plats principaux présentaient des reliefs de poulet, de tranches de boeuf et de sauce à présent coagulée, de pâtisserie. La nappe était en lin blanc chatoyant. Corbett distingua des taches, quelques minuscules éclaboussures noires. Il se pencha pour regarder de plus près l’un des plats. Souris et autres rongeurs avaient trouvé de quoi s’occuper. Il examina les gobelets à vin, les pichets et les coupes à eau. Il ne détecta ni ne sentit nul vestige de poison. Tout paraissait en ordre. Les chaires étaient repoussées contre la table et la jonchée sur le sol ne trahissait pas que l’on eût traîné les corps vers ces terribles potences de fer.
— Messire ?
Le magistrat se retourna.
— Oui, Ranulf ?
— Pensez-vous que ce pourrait être un suicide ?
Corbett fit un signe de dénégation.
— Non, c’est un meurtre abominable, un massacre.
Il désigna les cadavres.
— Le meurtrier ne cherche point à nous lancer sur une fausse piste, mais à nous terroriser. Lui ou elle nous dit : voilà comment je donne la mort.
— Elle ? s’étonna Castledene.
— Non, je me suis trompé, admit le magistrat en hochant la tête. C’est un homme, un homme robuste, rusé et implacable, qui est responsable de ceci.
— Mais comment ? souffla Castledene.
— Sir Walter, il faut que je vous parle en tête à tête de toute urgence. Ranulf, garde la grand-salle. Ne laisse entrer que le prêtre et le médecin.
Le magistrat montra le chemin.
— Sir Walter, il doit y avoir une chambre en haut de l’escalier, n’est-ce pas ? Demandez qu’on y apporte des braseros, allumés et rougeoyants, mais ni vin ni nourriture, rien qui vienne d’ici.
Il s’avança vers Wendover.
— Avez-vous fouillé le reste du manoir ?
— Oui, Messire, dès que j’ai eu dépêché le messager, j’ai cherché de la cave au grenier, en passant par les écuries et les appentis. Nous n’avons rien trouvé d’anormal, rien de funeste et aucune porte n’a été forcée.
— Et quand vous êtes entré, personne n’aurait pu s’esquiver ?
Wendover fit un geste vers les hommes qui se pressaient derrière lui.
— Monseigneur, ce sont tous des gardes de l’échevinage qui portent la livrée de la corporation.
— Et ?
— Et nous avions un mot de passe.
— Qui était ?
— Maubisson, répondit Wendover. Un garde le criait toujours à un autre. Nous n’avons vu ni inconnu ni intrus entrer ou sortir.
— Alors où est Servinus, le garde du corps de Paulents ?
— Nulle part, bredouilla Wendover. Dieu seul le sait, Sir Hugh. Nous avons exploré, nous avons été vigilants. Il n’y a, il n’y avait, aucun signe de lui !
Corbett hocha la tête. Pendant que Castledene faisait en hâte préparer la pièce du dessus, le magistrat revint vers les dépouilles. En fait, plus il les observait, plus il parcourait cette pièce ténébreuse avec ces sinistres cadavres couchés tout raides sur le sol, moins il y comprenait quoi que ce soit. Il ne s’agissait de toute évidence pas d’un suicide et pourtant il n’y avait trace ni de violence ni d’intrusion, et aucun indice d’assassinat. Rien, si ce n’est les quatre corps et le fait que Servinus avait disparu. Il se
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