Le tresor de l'indomptable
était un homme de Cantorbéry, comme Blackstock et son demi-frère.
— Sir Hugh ? lança Castledene qui tapait des pieds sur le seuil. Sir Hugh, ils l’ont trouvé.
Corbett et le petit groupe se rassemblèrent dans la cuisine, où le sac putride avait été déposé sur le sol pavé de carreaux. Le magistrat remit le demi-marc aux gardes, les congédia, puis ouvrit la toile. Le squelette était complet. La chair était décomposée depuis longtemps et il n’y avait nul reste d’habits, de ceinture ni de bottes.
— Il a dû – car je pense que c’était un homme – être enterré nu, fit remarquer Corbett. Si le corps se corrompt vite, ce n’est pas le cas du cuir.
Il ramassa le crâne, encore dur, mais jaunissant, le retourna et indiqua l’os éclaté.
— Occis par un coup violent sur la nuque, mais qui était-il et pourquoi l’a-t-on tué ?
Ses questions ne reçurent bien sûr pas de réponses et le clerc se remémora les mystérieuses entrées du livre de comptes. Quoiqu’il n’eût pas de preuve, il était certain que la malheureuse victime avait un lien avec L’Indomptable ou quelque autre crapulerie de Sir Rauf. En fait, il était convaincu que tous ces sinistres crimes avaient un rapport avec la prise du navire de Blackstock.
Corbett regagna la pièce de travail que Lechlade s’affairait à ranger. Le valet grommela quelque chose entre ses dents, mais le magistrat était las des conversations chuchotées. Il devait agir, et agir avec détermination. Il envoya Lechlade dire aux gardes d’emporter les restes découverts dans le jardin à l’église du père Warfeld pour qu’ils soient ensevelis, pendant qu’il s’occupait des piles de documents expédiés du Guildhall au sujet d’Adam Blackstock et d’Hubert le Moine. Affalé dans la chaire de Decontet, il les feuilleta sans trouver grand-chose, mais en relevant les faits importants et pertinents.
Il avait choisi, à présent, d’agir de façon plus ostensible. Chanson fut dépêché à St Alphege pour emprunter un évangéliaire puis revint préparer la grand-salle où devait se tenir le tribunal sommaire du magistrat. Dehors, le soir d’hiver tombait, mais les feux et les braseros pétillaient joyeusement. Corbett envoya des billets de l’Échiquier pour prélever davantage de vivres dans les échoppes et les cabarets à bière voisins. Ranulf, qui étonnait toujours son maître par ses talents culinaires, s’affaira dans la cuisine, assisté par une Berengaria aux joues roses et un Chanson ruisselant de sueur. Ils préparèrent un ragoût de veau au vin blanc et au miel, agrémenté de persil, de gingembre et de coriandre. Quand la cuisson fut presque à point et alors que d’appétissantes odeurs envahissaient la maison, Ranulf se mit en quête de son maître.
— Sir Hugh ?
Corbett, qui réfléchissait devant le feu, se retourna, somnolent.
— Le repas est-il prêt, Ranulf ?
— Bientôt, répondit le clerc en souriant. C’est juste que...
Il s’avança, posa la main sur le dossier de la chaire et se pencha pour parler à l’oreille du magistrat.
— Messire, j’ai visité cette demeure, comme vous me l’avez ordonné, de la cave au grenier. J’ai cherché des réserves de nourriture, des pots...
— Et ?
— Où que j’aille, Messire, j’ai l’impression que les aîtres ont déjà été inspectés avec habileté, passés au crible en quête de quelque chose.
— En es-tu sûr ? s’étonna Corbett.
— Certain. Ce n’était pas une fouille ordinaire, mais autre chose. Mais a-t-elle eu lieu avant que Sir Rauf soit occis ou après... Je ne saurais dire.
Sous la direction de Ranulf, le repas fut servi sans tarder à tous ceux qui le désiraient, dans la grand-salle, longue pièce triste que réchauffait un feu ronflant dans la cheminée. Desroches et le père Warfeld revinrent, mais Corbett ne pipa mot. Le dîner se déroula en silence ; même les sentinelles, installées à table ou sur le sol, adossées contre le mur, bavardaient à voix basse, conscientes de l’atmosphère oppressante. Puis Corbett fit vite aménager la chambre. Sur l’estrade, on plaça une chaire à haut dossier au milieu de la grande table, une chaire semblable en face, ainsi que des sellettes à chaque bout pour Ranulf et le père Warfeld. Le magistrat négligea les protestations de Castledene et des autres, qui se plaignaient de devoir attendre si longtemps. Ranulf ouvrit les sacs de la Chancellerie, en
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