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Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
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mais un regard bleu et lumineux qui contrastait étrangement avec les quelques poils gris de sa moustache. Elle baissa les yeux et s’approcha de Marguerite. Je me dressai pour m’interposer, prêt à dégainer mon braquemart, pour le cas où la drolette aurait eu de mauvaises intentions. Ma châtelaine me pria de m’apazimer et de nous laisser : elle connaissait Émilie, une lointaine cousine au service du sire Gaillard de Castelnaud de Beynac.
    Je protestai, décidai de passer outre pour soumettre moi-même cette femme à la question. Marguerite s’y opposa fermement, me pria de sang-froid garder et de la laisser interroger sa cousine. Je dus m’incliner devant ce que je pris pour un caprice de la maîtresse des lieux.
    La dernière chose que je vis en claquant la porte qui donnait sur la petite pièce qui faisait office de librairie en notre manoir de Braulen, ce fut le fenestrou qui était resté ouvert, volets pliés de l’intérieur. Dehors, un ciel noir d’encre. Dedans, la fraîcheur du soir.
    Je parcourus le dallage, les sens en alerte, pendant un temps qui me parut bien long lorsque je n’avais pas l’oreille collée à la lourde porte en chêne massif. Je ne saisissais que des murmures.
     
    Et tout à coup, un cri strident. Déchirant.
     
    J’ouvris la porte à la volée. Marguerite tenait sa cousine dans les bras. Une tache rouge s’élargissait autour de la flèche qui avait transpercé son cœur.



DEUXIÈME PARTIE
Pour une indulgence plénière
    De Castelnaud-la-Chapelle vers Marienbourg
De l’an de grâce 1352 à 1354

Il incombe au général d’être serein et impénétrable, impartial et maître de lui. S’il est serein, il est insensible aux contrariétés ; s’il est impénétrable, impartial et maître de lui, il ne tombe pas dans la confusion.
     
    L’art de la guerre, Des neuf sortes de terrains,
    Sun Tzu, général de l’Empire du Milieu entre l’an 400 et 320 av. J. -C.
    Chapitre 7
    Dans la plaine du Capeyrou, à Beynac, au printemps de l’an de grâce MCCCLII {26} .
    La pauvre Émilie était morte. Bien morte. Et le tireur embusqué dans le bois environnant, évanoui dans la nature. Nous tentâmes de pister sa trace, mais nos torchères ne suffirent pas à percer l’obscurité. L’assassin, après avoir accompli sa triste besogne, n’avait pas attendu que nous lui mettions la main au collet pour déguerpir.
    Dès le lendemain, nous signalâmes ce crime de sang à la prévôté de Sarlat, sans nous faire la moindre illusion sur les résultats de l’enquête. Nous n’avions aucun autre indice qu’un simple carreau d’arbalète, dont le vireton était sans doute muni d’un terrible fer à barbelure. Et des carreaux faits de ce bois et de ce fer, il y en avait des milliers dans les salles d’armes des châteaux de la région.
    Fort heureusement, s ’ il venait à l ’ idée du prévôt d ’ effectuer une réquisition sur mandat du juge, il n ’ en trouverait aucun, ni dans le manoir de Braulen ni dans le château de Rouffillac. Depuis que j ’ avais constaté l ’ adresse et la rapidité de mes archers-paysans, ils étaient tous équipés d ’ arc bourguignon en bois d ’ orme et de flèches. Point d ’ arbalète. Les deux gibets, plus bas, dans la plaine de Braulen se languissaient. Ils devraient patienter. Le temps que je confonde le coupable pour l ’ y pendre par le col ou par les pieds. Par les pieds, de préférence. La mort est plus lente et plus douloureuse. Par Saint-Pierre, ce jour viendrait tôt ou tard   !
     
    Au lever du jour, je fouillai cependant les broçailles du pech où, d ’ après l ’ angle de tir, l ’ arbalétrier avait décoché sa sagette mortelle. Après deux heures de recherches minutieuses, je découvris l ’ endroit d ’ où le tireur avait commis son forfait. Au sud-est du fenestrou, à cent coudées approximativement et huit toises plus haut, le sol était piétiné, du bois mort cassé sous les semelles   : il avait attendu, immobile, que sa cible se présentât sous le meilleur angle de tir. Un peu de teinture d ’ écarlate avait coloré l ’ écorce de l ’ arbre contre lequel il avait pris appui pour ajuster sa cible brillamment éclairée par de nombreuses chandelles. Mais, point de pièce de tissu ni de simples fibres. Son bliaud (ou son mantel) était assurément tissé dans une étoffe de bonne facture. Et l ’ écarlate était peu répandue parmi les gueux.
    Était -ce à Marguerite que le tireur en

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