Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le tribunal de l'ombre

Le tribunal de l'ombre

Titel: Le tribunal de l'ombre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hugues De Queyssac
Vom Netzwerk:
vers la maison noble où ma douce mie avait préparé une solide collation.
    Commença ensuite le fastidieux revêtement de ma cuirasse de plates, pièce par pièce.
    Mes écuyers, Onfroi et Guilbaud, m’aidèrent à enfiler et à lacer le gambison rembourré qui protégeait la peau d’un contact roide et glacé avec la cuirasse. Des mailles, cousues sur le vêtement de cuir et de laine, étaient destinées à protéger le corps aux endroits où les plaques d’armure ne le couvraient pas parfaitement, sur une partie des bras, aux aisselles et sous la taille, où l’on me sangla une jupe de mailles.
    Puis on me ceignit d’une dossière et d’une braconnière à la forme aussi évasée qu’un jupeau d’armer pour protéger le cul et les reins. Le plastron de poitrine, pièce essentielle, fut habilement noué à la dossière par de solides aiguillettes de cuir.
    D’autres lanières cousues sur les manches du gambison fixèrent cubitières et canons de bras et d’avant-bras, épaulières et rouelles destinées à protéger bras et épaules des lances adverses, sans entraver le mouvement des articulations.
    Je dus refréner l’ardeur de mes écuyers lorsqu’ils voulurent m’enchâsser, autour du col, une bavière plus roide qu’une minerve.
    « Bavière et bacinet attendront l’heure de la joute ! m’exclamai-je. À moins que me souhaitiez me protéger de ma tendre mie. Je sais qu’elle a la main leste, mais tout de même ! Mon ceinturon, je vous prie.
    «   Non, coquefredouilles, point besoin d ’ épée ni de fourreau   ! Je vous rappelle que nous serons tournoyants et non tourbillonnants, par Lucifer   ! Point de combat à l ’ épée, les temps en sont révolus, mais joutes à lances épointées. Or donc, n ’ auriez-vous onques jouté   ?
    —  Euh, non, messire Bertrand, nous n ’ avons pas encore eu l ’ insigne honneur d ’ être invités par un sire de la route.
    —  Qu ’ à cela ne tienne, vous ferez partie de ma route, céans, dès ce jour d ’ hui   !
    —  Mais, messire…, tenta de protester Guilbaud de Rouffignac.
    —  Mais quoi   ? Vous allez regretter de ne pas vous être entraînés au poteau de quintaine. Vous eussiez dû y être plus assidus, ces dernières semaines. Nous jouterons sous les couleurs de dame Marguerite   ! Tachez de lui faire honneur, par le Sang-Dieu   ! Elle sera plus indulgente que les damoiselles devant lesquelles vous vous paonnerez si vous mordez la poussière, l ’ herbe ou le crottin   !
    —  Mais, mais… nous n ’ avons pas d ’ armure de plates   ! Nous risquons graves navrures   !
    —  Peu me chaut, un écuyer sans armure n ’ est qu ’ un damoiseau sans coillons   ! Seriez-vous eunuques, mes amis   ? Avec la solde considérable que je vous baille depuis quatre ans, vous auriez pu vous armer de pied en cap plutôt que de courir la ribaude et d ’ engraisser les tave rn iers de la baronnie par vos beuveries   ! Le maître haubergier du château m ’ a assuré avoir atoné heaumes et hauberts, cuirié et énarmé les écus. Vous trouverez bien de quoi protéger vos chétifs membres si vous vous rendez de ce pas à l ’ armurerie   ! D ’ ailleurs, il est probable que vous serez défaits à la première lance. Je ne miserai pas un sol sur vous. C ’ est peut-être regrettable, mais c ’ est ainsi   », gloussai-je.
    À voir la mine chaffourée du plus jeune de mes écuyers, Guilbaud, un large sourire fendait le bec d ’ Onfroi de Salignac .
    Marguerite renchérit   :
    «   N ’ oubliez pas, gentils damoiseaux, que vous jouterez sous mes couleurs. Alors, point de récréance. Puisse le ramage de votre lance être aussi beau que le plumage que vous arborerez sur votre cimier…
    —  Et plutôt que de baver des sornettes, fixez donc à ma cuirasse la seule pièce qui compte vraiment dans un tournoiement, le faucre, le faucre, à la parfin   ! Il empêchera la lance de glisser sous l ’ aisselle lors du choc   », leur ordonnai-je en faisant jouer le mézail en bec de moineau pour m ’ assurer qu ’ il coulissait grassement sur le bacinet.

    Foulques de Montfort ne participerait pas au tournoi, avait-il déclaré. Les lourdes responsabilités que lui avait confiées le baron Bozon de Beynac ne l ’ encourageaient pas à se jouer des risques qu ’ encouraient toujours les jouteurs.
    Lors d ’ un tournoi récent, les éclats de bois d ’ une lance brisée avaient mortellement navré un champion de belle

Weitere Kostenlose Bücher