Le Troisième Reich, T1

l'Église de Jésus Christ de Niemœller, à Dahlem, un faubourg de
Berlin, « l'Église Confessionnelle » se déclara l'Église protestante légale
d'Allemagne et institua un gouvernement provisoire de cette Église. Il y avait
donc maintenant deux groupes — celui de l'évêque du Reich Mueller et celui de
Niemœller — qui prétendaient représenter légalement l'Église.
    Il était évident que l'ancien aumônier militaire, en dépit de
ses rapports étroits avec Hitler, n'avait pas su intégrer les Églises
protestantes et, à la fin de 1935, après que la Gestapo eut arrêté sept cents
pasteurs de l' « Église Confessionnelle », il abandonna son poste et disparut
de la scène. Dès juillet 1935, Hitler avait désigné un de ses amis, avocat
nazi, le docteur Hans Kerrl, comme ministre des Affaires de l'Église, avec des
instructions en vue de faire un second essai pour coordonner les protestants.
Nazi plutôt modéré et homme assez circonspect, Kerrl commença par remporter un
succès considérable. Il réussit non seulement à se gagner le clergé
conservateur, qui représentait la majorité, mais à constituer un Conseil de
l'Église, dirigé par le vénérable docteur Zœllner, lequel était respecté de
toutes les factions, et ce conseil était chargé de parvenir à une solution
d'ensemble.
    Bien que le groupe de Niemœller eût accepté de collaborer avec
ce conseil, il continuait à soutenir que lui seul était l'Église légale.
Lorsque, en mai 1936, il adressa un mémorandum courtois mais ferme à Hitler
pour protester contre les tendances anti-chrétiennes du régime, dénoncer
l'antisémitisme du gouvernement et demander que fût mis fin à l'ingérence de
l'État dans les affaires ecclésiastiques, Frick, le ministre nazi de
l'Intérieur, répondit par une action brutale. Des centaines de pasteurs de l' «
Église Confessionnelle » furent arrêtés, un des signataires du mémorandum, le
docteur Weissler, fut assassiné dans le camp de concentration de Sachsenhausen,
les fonds de l' « Église Confessionnelle » furent confisqués et il fut interdit
de faire des quêtes.
    Le 12 février 1937, le docteur Zœllner démissionna du Conseil de
l'Église — la Gestapo lui avait interdit de se rendre à Lübeck, où neuf
pasteurs protestants avaient été arrêtés; il se plaignait de ce que son travail
avait été saboté par le ministre de l'Église. Le docteur Kerrl répondit dès le
lendemain dans un discours qu'il fit devant un groupe d'ecclésiastiques soumis.
Il accusa le vénérable Zœllner de ne pas avoir su apprécier la doctrine nazie
de la Race, du Sang et de la Terre et révéla clairement l'hostilité du
gouvernement à l'encontre des Églises protestante et catholique.
    Le parti (dit Kerrl) s'appuie sur le principe du
christianisme positif, et le christianisme positif, c'est le national
socialisme... Le national socialisme, c'est l'effet de la volonté de Dieu... La
volonté de Dieu est révélée dans le sang allemand... Le docteur Zœllner et le
comte Galen (l'évêque catholique de Muenster) ont voulu expliquer que le
christianisme consiste en la foi dans le Christ, Fils de Dieu. Cela me fait
rire... Non. Le christianisme ne repose pas sur le symbole des apôtres... Le
vrai christianisme est représenté par le parti, et le peuple allemand est
aujourd'hui appelé par le parti et spécialement par le Führer à pratiquer un
christianisme réel... Le Führer est le héraut d'une nouvelle Révélation (4).
    Le 1er juillet 1937, le docteur Niemœller fut arrêté et enfermé
dans la prison de Moabit, un quartier de Berlin. Le 27 juin, il avait prêché ce
qui devait être son dernier sermon dans le Troisième Reich devant les fidèles
qui emplissaient toujours très nombreux son église de Dahlem. Comme s'il
pressentait ce qui allait arriver, il dit : « Nous ne pensons pas plus à user
de nos propres pouvoirs pour échapper au bras de l'autorité que ne le faisaient
les apôtres de jadis. Pas plus que nous ne sommes prêts à demeurer silencieux
sur l'ordre de l'homme quand Dieu nous commande de parler. Car aujourd'hui, et
toujours, nous devons obéir à Dieu plutôt qu'à l'homme. »
    Après huit mois de prison, il fut jugé, le 2 mars 1938, devant
un Sondergericht , un de ces « Tribunaux spéciaux » instaurés par les
nazis pour juger les délits commis contre l'État; bien que reconnu non coupable
du principal délit dont on l'accusait, à savoir « d'avoir