Le Troisième Reich, T1
guerre aurait lieu. L'Allemagne avait besoin de Lebensraum dans l'Est. Et, pour en obtenir, il était résolu à attaquer la Pologne à la
première occasion. Dantzig n'était pas en cause. Ce n'était qu'un prétexte.
L'obstacle, c'était la Grande-Bretagne. C'était elle la véritable force motrice
dirigée contre l'Allemagne. Parfait : on relèverait son défi et aussi celui de
la France. Ce serait une lutte à mort.
Lorsque, le 3 novembre 1937, Hitler avait, pour la première
fois, exposé ses plans d'agression aux chefs militaires, le feld-maréchal von
Blomberg et le général von Fritsch avaient élevé une protestation — alléguant
tout au moins que l'Allemagne n'était pas assez forte pour mener une guerre
européenne. Au cours de l'été suivant, le général Beck avait, pour la même
raison, résigné ses fonctions de chef de l'état-major général de l'armée. Mais,
le 23 mai, si l'on en croit ce document, pas un général, pas un amiral n'éleva
la voix pour mettre en doute la sagesse de la ligne de conduite adoptée par
Hitler.
Leur tâche, telle qu'ils l'envisageaient, n'était pas de
discuter mais d'obéir aveuglément. Ils avaient déjà consacré leurs grands
talents à dresser les plans d'une agression militaire. Le 7 mai, le colonel
Guenther Blumentritt de l'état-major général de l'armée, qui faisait partie
d'un « comité d'études » restreint, avec les généraux von. Rundstedt et von
Manstein, présenta dans le cadre de « Fall Weiss » un tableau de la situation
qui constituait en fait le plan de la conquête de la Pologne. Il était plein
d'imagination et d'audace, et il fut ultérieurement suivi, à part quelques
modifications de détail (48).
L'amiral Raeder s'en tira avec des plans navals dans le cadre du
Plan Blanc contenus dans une directive ultra-confidentielle signée du 16 mai
(49). Puisque la Pologne ne disposait que de quelques milles de côtes sur la
Baltique, à l'ouest de Dantzig, et ne possédait qu'une marine réduite, aucune
difficulté n'était à redouter. C'était surtout la France et la Grande-Bretagne
qui préoccupaient l'amiral. L'entrée de la Baltique serait protégée par des
sous-marins, tandis que les deux cuirassés de poche et les deux cuirassés plus
les sous-marins « disponibles » se prépareraient à la « guerre en Atlantique ».
Selon les instructions du Führer, la marine devait être prête à remplir le rôle
que lui avait dévolu le Plan Blanc pour le 1er septembre, mais Raeder ordonna à
ses subordonnés de hâter l'exécution des plans, car, « en raison des derniers
développements politiques », l'action pourrait bien s'engager plus tôt (50).
Alors que le mois de mai 1939 approchait de son terme, les
préparatifs allemands en vue d'une guerre éventuelle à la fin de l'été étaient
bien avancés. Les usines d'armement ronflaient à bloc en tournant canons,
tanks, avions et bateaux de guerre. Les compétents états-majors de l'armée, de
la marine et de l'aviation avaient complété leurs plans. Les rangs s'étoffaient
de nouveaux effectifs convoqués pour les « manœuvres d'été ». Hitler pouvait
être satisfait de son œuvre.
Le 24 mai, au lendemain de l'exposé du Führer à ses chefs
militaires, le général Georg Thomas, chef des services de l'Économie et de
l'Armement à l'O.K.W., récapitula les réalisations obtenues au cours d'une
conférence secrète qu'il eut avec les hauts fonctionnaires du ministère des
Affaires étrangères. Alors qu'il avait fallu à l'armée impériale, ainsi qu'il
le rappela à ses auditeurs, seize ans — de 1898 à 1914 — pour porter ses
effectifs de 43 à 50 divisions, l'armée du Troisième Reich était passée, en
quatre ans seulement, de 7 à 51 divisions, dont 5 divisions lourdes et 4
légères, « moderne cavalerie de ligne » que nulle autre nation ne possédait. La
marine avait sorti pratiquement du néant une flotte de 2 cuirassés de 26 000
tonneaux [176] ,
2 croiseurs lourds, 17 destroyers et 47 sous-marins.
Elle avait déjà lancé 2 cuirassés de 35 000 tonneaux, 1
porte-avions, 4 croiseurs lourds, 5 destroyers et 7 sous-marins, et projetait
d'en lancer beaucoup d'autres. Partant de zéro, la Luftwaffe avait édifié une
force de 21 escadrilles dotées d'un personnel de 260 000 hommes. L'industrie de
guerre, déclara le général Thomas, produisait déjà plus qu'elle ne l'avait fait
pendant ses records de la dernière guerre, et son rendement dans la plupart des
domaines
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