Le Troisième Reich, T2
la ruine de nations entières. Il m’est
presque douloureux de penser que j’aurais été choisi par le destin pour porter
le coup final à la structure que ces hommes ont déjà ébranlée… Mr. Churchill
sera sans aucun doute déjà au Canada, où l’argent et les enfants de ceux qui
ont intérêt à faire la guerre ont déjà été expédiés. Pour des millions d’autres
êtres, cependant, un lourd calvaire va commencer. Mr. Churchill devrait
peut-être, pour une fois, me croire quand je prédis qu’un grand Empire sera
détruit – un Empire que je n’ai jamais eu l’intention de détruire ni même d’affaiblir.
Ayant ainsi attaqué l’inflexible Premier Ministre et essayé de
détacher de lui le peuple britannique, Hitler en vint à l’essentiel de son long
discours :
A cette heure, je crois qu’il est de mon devoir devant ma
conscience de faire appel une fois de plus à la raison et au bon sens en
Grande-Bretagne et ailleurs. Je me considère en posture de lancer cet appel
puisque je ne suis pas le vaincu qui mendie des faveurs, mais le vainqueur qui
parle au nom de la raison. Je ne vois aucun motif de prolonger cette guerre [70] .
Il ne fut pas plus précis. Il ne fit aucune suggestion concrète
pour des conditions de paix, aucune allusion à ce qui attendait les 100
millions d’êtres à présent sous le joug nazi dans les pays conquis. Mais il y
avait ce soir-là au Reichstag peu de gens, s’il y en avait, qui croyaient
nécessaire d’entrer dans des détails. Je me mêlai à bon nombre d’officiels et d’officiers
à la fin de la séance ; pas un n’avait le moindre doute, disaient-ils, que
l’Angleterre n’accepte ce qu’ils croyaient réellement être une offre généreuse
et même magnanime du Führer. Ils ne tardèrent pas à être
déçus.
Je me rendis directement à la radio pour faire un rapport du
discours radiodiffusé aux États-Unis. J’étais à peine arrivé que j’entendis une
émission de la B. B. C. en allemand. Elle donnait déjà la réponse des Anglais à
Hitler. C’était un Non déterminé [71] !
Les jeunes officiers du haut commandement et quelques officiels
appartenant à différents ministères étaient assis dans la pièce et écoutaient
avidement. Leurs visages se figèrent. Ils n’en croyaient pas leurs oreilles.
« Pouvez-vous comprendre cela ? » me cria l’un d’eux. Il
paraissait ahuri. « Pouvez-vous comprendre ces idiots d’Anglais ? dit-il
encore. Refuser la paix maintenant ? Ils sont fous ! »
Le même soir, Ciano [72] entendit à Berlin la réaction contre ces « fous d’Anglais » à une
bien plus grande échelle que moi. « Tard dans la soirée, notait-il dans
son journal, quand parvinrent les premières réactions des Anglais au discours, un
sentiment de désappointement mal dissimulé se répandit parmi les Allemands. »
Sur Mussolini, d’après Ciano, l’effet fut inverse.
Il le définit : « un discours beaucoup trop
astucieux ». Il craint que les Anglais puissent y trouver prétexte à
entreprendre des négociations. Ce serait triste pour Mussolini, parce que
maintenant plus que jamais il veut la guerre (44).
Le Duce, comme Churchill le remarqua plus tard, n’avait pas
besoin de se faire du souci. « Rien ne devait lui être refusé de ce qu’il
désirait comme guerre (45). »
« En tant que manœuvre calculée pour rallier le peuple
allemand à la guerre contre l’Angleterre, écrivais-je dans mon journal cette
nuit-là, le discours d’Hitler était un chef-d’œuvre. Car le peuple allemand
dira maintenant : Hitler offre la paix à l’Angleterre sans arrière-pensée.
Il dit qu’il ne voit aucune raison pour que cette guerre continue. Si elle
continue, c’est la faute de l’Angleterre. »
N’était-ce pas la principale raison à donner, trois jours après
avoir lancé la directive n° 16, pour préparer l’invasion de l’Angleterre ?
Il l’admit – d’avance – devant deux confidents italiens, Alfieri et Ciano. Le 1er juillet,
il avait dit à l’ambassadeur :
… Cela a toujours été une bonne tactique de rendre l’ennemi
responsable aux yeux de l’opinion publique, en Allemagne et ailleurs, des événements
à venir. Cela renforce le moral et affaiblit celui de l’ennemi. Une opération
comme celle que l’Allemagne projetait serait très sanglante… Il faut donc
convaincre l’opinion publique que tout a été fait au préalable pour éviter
cette horreur…
Dans
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