Le Troisième Reich, T2
son discours du 6 octobre (où il avait offert la paix
à l’Ouest à la fin de la campagne de Pologne – W. L. S.), il avait de même été
guidé par l’idée de rendre le parti opposé responsable de tous les
développements subséquents. Il avait donc en quelque sorte gagné la guerre, avant
qu’elle eût réellement débuté. Une fois encore, à présent, il avait l’intention,
pour des raisons psychologiques, de justifier si l’on peut dire la morale de l’action
qui allait être entreprise (46).
Une semaine plus tard, le 8 juillet, Hitler confiait à
Ciano,
… qu’il organiserait une autre démonstration afin qu’il
puisse, si la guerre continuait, ce qu’il pensait être la seule possibilité, produire
un effet psychologique sur le peuple anglais… Peut-être cela serait-il possible
grâce à un appel habile à ce peuple, pour isoler encore plus le gouvernement en
Angleterre (47).
Cela se révéla impossible. Le discours du 19 juillet
impressionna les Allemands, mais pas les Anglais. Le 22 juillet, à la
radio, Lord Halifax rendit officiel le rejet de l’offre de paix d’Hitler. Bien
qu’elle fût attendue, la nouvelle secoua la Wilhelmstrasse, où je rencontrai
bien des visages furieux cet après-midi-là. « Lord Halifax, nous dit le
porte-parole officiel, a refusé d’accepter l’offre de paix du Führer. Messieurs,
il y aura la guerre ! »
C’était plus facile à dire qu’à faire. En vérité, ni Hitler ni
le Haut Commandement, pas plus que les états-majors de l’armée, de la marine et
de l’aviation, n’avaient sérieusement envisagé comment une guerre avec la Grande-Bretagne
pouvait être menée et gagnée. Maintenant, au milieu de l’été de 1940, ils ne
savaient quel parti tirer de leurs éclatants succès ; ils n’avaient pas de
plans et à peine la volonté d’exploiter les plus grandes victoires de l’histoire
de leur nation belliqueuse.
C’est là un des grands paradoxes du Troisième Reich : au
moment même où Hitler était au zénith de sa puissance militaire, avec la plus
grande partie du continent européen à ses pieds, ses armées victorieuses
déployées des Pyrénées au cercle arctique, de l’Atlantique jusqu’au-delà de la
Vistule, au repos et prêtes à une autre action, il n’avait aucune idée de la
manière dont il convenait de poursuivre la guerre jusqu’à une conclusion
victorieuse. Ses généraux pas davantage, dont douze agitaient leur bâton de
Feldmarschall…
Il y a naturellement une raison à cela, bien qu’elle ne nous
apparût pas clairement à l’époque. Les Allemands, malgré leurs talents
militaires, manquaient de toute conception de la grande stratégie. Leur horizon
était limité – il l’avait toujours été – à la guerre sur terre contre
les nations voisines du continent européen. Hitler lui-même avait la mer en
horreur [73] et ses grands capitaines une ignorance presque totale de la guerre sur mer.
Leurs armées auraient pu écraser en une semaine les faibles
forces terrestres de l’Angleterre si elles avaient pu seulement être aux prises
avec elles ; mais, l’étroit Pas de Calais qui les séparait – si étroit que
l’on pouvait voir la côte d’en face – leur apparaissait, à la fin de ce splendide
été, comme un obstacle qu’ils ne savaient comment franchir.
Naturellement, une autre solution se présentait aux Allemands. Ils
pouvaient abattre l’Angleterre en frappant par la Méditerranée avec leur allié
italien, en prenant Gibraltar à son débouché occidental et, à l’est, en partant
des bases italiennes d’Afrique du Nord, par l’Égypte et au-delà du canal de
Suez vers l’Iran, coupant l’une des plus importantes voies de l’Empire. Mais
cela demandait de vastes opérations outre-mer à des distances éloignées des
bases de la métropole, et en 1940 cela semblait dépasser l’imagination des
Allemands.
Ainsi, à l’apogée de ses succès vertigineux, Hitler et ses
capitaines hésitaient. Ils n’avaient pas pensé au pas suivant. Cette fatale
négligence sera l’un des grands tournants de la guerre et, en fait, de la
courte vie du Troisième Reich et de la carrière météorique d’Adolf Hitler. L’échec,
après tant de victoires prodigieuses, était à présent certain. Mais bien sûr
cela ne pouvait être prévu quand, à la fin de l’été, l’Angleterre cernée, résistant
maintenant toute seule, mobilisa les faibles moyens dont elle disposait pour
parer
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