Le Troisième Reich, T2
n’appuient cette affirmation (57). Ce dernier document
nous informe que Halder présenta tout d’abord une estimation froidement
objective des effectifs de l’adversaire, à savoir environ 155 divisions à
opposer à une force armée allemande à peu près équivalente, calcula-t-il, mais « d’une
qualité infiniment supérieure ».
Lorsque s’abattit la catastrophe, Halder, Brauchitsch et autres
chefs militaires s’aperçurent que leurs renseignements sur l’Armée Rouge
étaient erronés à un degré fabuleux. Mais le 3 février, ils étaient loin
de soupçonner la vérité. En fait, le rapport d’Halder sur le potentiel
militaire respectif des deux nations et sur la tactique à employer pour exterminer
l’Armée Rouge [108] parut si convaincant que le Führer l’accepta d’emblée
pour de l’argent comptant et, transporté par les perspectives que venait d’ouvrir
son chef d’état-major général, il s’exclama : « Lorsque
Barberousse se mettra en marche, le monde retiendra son souffle ! »
Piaffant d’impatience, il donna ordre à Brauchitsch de lui
soumettre sans délai la carte des opérations et les plans de répartition et de
déploiement des forces armées.
PRELUDE BALKANIQUE
Avant que l’opération Barberousse pût être mise en
mouvement, il restait à l’Allemagne à se rendre maîtresse du flan méridional de
son second front, c’est-à-dire une partie des Balkans, et à le fortifier.
Dès la troisième semaine de février 1941, les Allemands
massèrent une formidable armée de 680 000 hommes sur le territoire roumain
séparé de l’Ukraine par une frontière longue de 480 kilomètres entre le Pologne
et la mer Noire (58). Au Sud, cependant, les Grecs continuaient à refouler les
Italiens aux abois et il était à prévoir que des troupes britanniques venues de
Libye débarqueraient d’un moment à l’autre sur le sol hellénique.
Les procès-verbaux des innombrables conférences tenues cet
hiver-là à Berlin et Berchtesgaden démontrent qu’Hitler redoutait la formation
d’un front allié au-dessus de Salonique, comme au temps de la première guerre
mondiale, mais beaucoup plus dangereux cette fois-ci, parce qu’offrant aux
Britanniques une base de bombardement aérien des puits de pétrole roumains. D’autre
part, il compromettrait sérieusement Barberousse .
A vrai dire, ce danger avait été prévu dès le mois de décembre
et l’opération Marita , à savoir l’attaque de la Grèce via la Bulgarie, conçue
pour y parer. La Bulgarie qui, en 1915, avait misé sur le perdant – ce qui lui
coûta fort cher – allait commettre la même erreur en 1941. Hitler lui assurait
avoir d’ores et déjà gagné la guerre ; elle le crut et, éblouie par l’espoir
d’obtenir la zone méridionale du territoire grec qui lui donnerait accès à la
mer Égée, elle accepta de participer à Marita en autorisant le passage
des troupes allemandes sur son sol. L’accord fut secrètement scellé le 8 février
1941 entre le maréchal List et l’état-major général bulgare (59).
Dans la nuit du 28 février, les divisions allemandes
rassemblées en Roumanie franchirent le Danube et occupèrent leurs positions en
Bulgarie. Le lendemain, celle-ci joignait l’alliance tripartite. Les
Yougoslaves se montrèrent moins accommodants. L’opiniâtreté de leur résistance
ne fit qu’éperonner la volonté d’Hitler à les rallier à son camp. Le 4 mars,
le prince Paul, régent de Yougoslavie, appelé en grand secret au Berghof, s’y
vit tout d’abord abreuvé des menaces coutumières, puis offrir Salonique en
rétribution de son enrôlement aux côtés de l’Axe.
Il céda. Le 25 mars, Dragisha Cvetkovic, premier ministre
de Yougoslavie, et Alexandre Cincar-Markovic, ministre des Affaires étrangères,
quittèrent Belgrade furtivement et nuitamment, afin d’éviter des manifestations
hostiles, voire un enlèvement, et arrivèrent à Vienne où, en présence d’Hitler
et de Ribbentrop, ils apposèrent la signature de la Yougoslavie au bas du pacte
consacrant son asservissement à l’Allemagne.
Dès lors, l’attaque allemande contre la Grèce se trouvait
considérablement facilitée. Avant de quitter Vienne, les délégués yougoslaves
reçurent de Ribbentrop deux lettres des plus précises. La première confirmait
que l’Allemagne s’engageait à « respecter en tout temps la souveraineté de
la Yougoslavie et l’intégrité de son territoire ». La seconde
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