Le Troisième Reich, T2
par une atteinte de paralysie
générale et ses divagations par l’ivrognerie… »
Hitler donne ensuite libre cours à sa fureur contre la
Yougoslavie :
« Nous avons tous été confondus par le coup d’État de
Belgrade, fomenté par une poignée de conspirateurs corrompus par nos
adversaires. Le Reich ne pouvait supporter d’être traité de pareille manière… Vous comprenez à présent, messieurs, pourquoi j’ai donné ordre d’attaquer
la Yougoslavie sur-le-champ. »
Aussi orgueilleux qu’il fût de ses victoires du printemps, Hitler
ne mesurait pas pleinement la gravité du coup porté à la Grande-Bretagne ni la
situation critique de son Empire d’outre-mer. Le jour même où il prononçait son
virulent discours au Reichstag, Churchill écrivait au
président Roosevelt les lignes que voici : « Je vous conjure, monsieur
le président, de ne pas minimiser les conséquences que peut entraîner pour la
Grande-Bretagne la perte de l’Égypte et du Moyen-Orient (66).
En termes pressants, il plaidait ensuite l’entrée en guerre des
États-Unis. Jamais, de toute la durée de la guerre, le Premier Ministre
britannique ne trahit une angoisse aussi intense.
La marine allemande, de son côté, insistait pour que le Führer exploitât la situation au maximum. Un fait nouveau vint
encore consolider la position de l’Axe. Le nouveau Premier Ministre d’Irak, Rachid
Ali, furieusement pro-allemand, lançait une attaque contre la base aérienne britannique
de Habbaniya, aux portes de Bagdad, et faisait appel à Hitler pour l’aider à
chasser les Anglais de son pays.
Le 30 mai, surlendemain de la conquête de la Crète, l’amiral
Raeder, toujours extrêmement tiède à l’endroit de Barberousse , pressait
le Führer de déclencher l’offensive décisive contre Suez
et l’Égypte. « Ce coup, répétait-il, sera plus mortel à l’Empire
britannique que la prise de Londres ! ». D’Afrique, le maréchal Rommel, désireux de poursuivre son avance dès qu’il aurait reçu
des renforts, adressait à Berlin le même appel et, une semaine plus tard, l’état-major
de la Kriegsmarine faisait tenir au Führer un
mémorandum se résumant à ceci : « Alors que l’Opération
Barberousse doit naturellement occuper le premier plan des préoccupations
de l’O. K. W., elle ne peut sous aucun prétexte entraîner l’abandon ou l’ajournement
de l’action en Méditerranée (67).
A vrai dire, la décision d’Hitler était prise depuis longtemps
et n’avait pas changé depuis cette semaine de Noël où, décrétant l’agression de
la Russie, il avait dit à Raeder : « Avant toute chose, il nous faut
détruire la Russie. » Braqué sur cette idée fixe, son cerveau se montrait
incapable d’embrasser la stratégie de grande envergure que préconisait la
marine. Fin mai cependant, il résolut d’envoyer à Bagdad une mission militaire
accompagnée d’une certaine quantité de matériel de guerre et de quelques avions.
« Je crois nécessaire, annonça-t-il, d’encourager l’évolution
des événements au Moyen-Orient. L’aide à l’Irak y contribuera (68). » Il
ne devait pas aller plus loin que ce geste insuffisant et inadéquat. En réponse
aux objurgations insistantes des amiraux et du maréchal Rommel, partisan, lui
aussi, d’une ample et audacieuse stratégie d’ensemble, Hitler enfourcha une
fois de plus son dada :
« Si par la suite, dit-il, une possibilité surgit d’entreprendre
une offensive contre le canal de Suez et, éventuellement, de déloger les
Anglais de leurs positions entre la Méditerranée et le golfe Persique, il m’appartiendra
de prendre des mesures, mais pas avant la conclusion de l’Opération
Barberousse . »
Bref, l’extermination de l’Union Soviétique passait avant tout. Le
reste devait attendre. Nous savons aujourd’hui où mena cette obsession et cette
inconcevable bévue stratégique. A l’époque dont il s’agit – fin mai 1941 – l’Allemagne,
tout en n’utilisant qu’une fraction de ses forces armées, était capable d’assener
à l’Empire britannique un coup accablant, peut-être mortel.
Personne ne s’en rendait mieux compte que Churchill ; son
message du 4 mai au président Roosevelt en témoigne : « Si nous
perdons l’Egypte et le Moyen-Orient, la poursuite de la guerre deviendra une
longue, décevante et dure entreprise. » Hitler en avait-il conscience ?
Certainement pas. Son aveuglement est d’autant plus
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