Le Troisième Reich, T2
« parce que rien ni personne au monde n’aurait pu le faire changer
d’attitude ». En fait, il se contenta de rédiger à l’adresse de ses
officiers un ordre touchant « l’obligation d’observer la stricte
discipline de rigueur dans l’armée, ainsi que les principes et les règlements
militaires en vigueur dans le passé ».
« Avez-vous donné à vos armées un ordre s’opposant
explicitement à la Directive Commissar ? Questionna Lord Justice
Lawrence, l’irascible président du tribunal.
— Non, répondit Brauchitsch, il m’était impossible de
désavouer ouvertement un ordre du Führer (75). »
Les directives ultérieures émises par le général Keitel au nom d’Hitler
allaient offrir aux officiers de la vieille école, formés selon la rigide
tradition prussienne, bien d’autres occasions de conflit entre leur conscience
et l’obéissance militaire. La principale de ces instructions limitait les
attributions des conseils de guerre et cours martiales remplacés par une forme
de loi plus simpliste.
« Jusqu’à nouvel ordre, les civils ennemis coupables
de délits punissables ne se trouveront plus placés sous la juridiction d’une
cour martiale… »
Toute personne soupçonnée d’un acte criminel sera
immédiatement amenée devant un officier, lequel jugera s’il y a lieu ou non de
la fusiller.
Quant aux actes délictueux commis par des soldats de la
Wehrmacht à l’égard de civils ennemis, ils ne seront pas obligatoirement
passibles de sanctions, même s’ils constituent un crime militaire.
Il est également recommandé aux chefs d’armées d’user d’indulgence
à l’égard de ces coupables allemands, en ayant présent à l’esprit, dans chaque
cas, le mal causé à l’Allemagne par les Bolcheviks depuis 1918. Les soldats
du Reich ne seront dorénavant traduits en conseil de
guerre que « si le maintien de la discipline ou la sécurité des forces
armées nécessitent cette mesure ». Dans tous les cas, conclut la directive,
« seules seront confirmées les sentences qui se révéleront en conformité
avec les objectifs politiques du haut commandement (76) ». La directive
devait être considérée comme ultra-secrète.
Le 27 juillet, Keitel ordonna la destruction de tous les
exemplaires de la directive « rigoureusement secrète » du 13 mai, sans que sa validité soit affectée . « Toutes les copies du présent
ordre devront être détruites en même temps », stipula-t-il.
Pour l’édification de l’Histoire, quelques copies de ces deux
documents survécurent, et leur apparition à Nuremberg s’en vint hanter les
insomnies de Keitel et consorts.
Antérieurement à la directive du 27 juillet, Keitel en
avait émis une autre « rigoureusement secrète » elle aussi. Lisons-là :
« Après en avoir conféré avec le général von Brauchitsch, le Führer décrète ce qui suit :
« En raison de l’étendue considérable des zones d’occupation
en territoire soviétique, la sécurité des forces armées allemandes ne pourra
être assurée que si toute résistance de la part de la population civile est
châtiée, non par la mise en accusation légale des coupables mais par des
mesures de terreur seules efficaces pour juguler toute velléité de rébellion (77). »
Le même jour, 22 juillet 1941, une seconde directive signée
de Keitel, au nom d’Hitler, assignait à Heinrich Himmler la
« tâche spéciale » d’établir les plans d’administration politique de
la Russie. Tâche, expliquait-il, inhérente à la lutte qui oppose deux systèmes
politiques adverses. Le Führer déléguait ainsi au chef
sadique de la Gestapo le pouvoir absolu d’agir indépendamment de l’autorité
militaire et sous sa seule responsabilité . Bien qu’ils l’aient nié, les
généraux jugés à Nuremberg savaient fort bien ce que signifiait la désignation
d’Himmler pour des « tâches spéciales ».
En outre, stipulait Hitler par le truchement de Keitel, « les
zones occupées seront interdites pendant toute la durée des activités d’Himmler.
Nul ne sera admis à y pénétrer, pas même les plus hautes personnalités du Parti
nazi ». En vertu du même document, « l’exploitation du territoire
soviétique et de ses richesses économiques au bénéfice de l’industrie allemande
était confiée à Gœring ». « Dès l’achèvement des opérations
militaires, concluait incidemment le Führer, l’Union
Soviétique sera divisée en
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