Le Troisième Reich, T2
olympiques
de 1936, et c’est sur les terres de ce noble Écossais, à 20 kilomètres du
château, qu’il s’en vint atterrir sain et sauf, en parachute. Là, il demanda à
un cultivateur de le conduire auprès de Sa Seigneurie. Notons en passant la
précision de sa navigation.
Cette nuit-là, Hamilton, commandant d’un groupe d’avions de
chasse de la R. A. F., se trouvait précisément dans le bureau des opérations de
secteur et avait repéré le Messerschmitt alors qu’il franchissait la côte peu
après dix heures du soir. Une heure plus tard, il apprenait que l’appareil s’était
écrasé en flammes et que son pilote – un nommé Alfred Horn – prétendait être
chargé d’une mission « spéciale auprès du duc de Hamilton » .
L’entrevue, organisée par les autorités britanniques, eut lieu le lendemain. Hess
dit au duc qu’il venait accomplir « une mission d’humanité ». « Le Führer ne voulait pas la mort de l’Angleterre et
souhaitait mettre fin aux hostilités. »
Cette tentative est la quatrième, ajouta-t-il. Le mauvais temps
a fait échouer les trois premières et, après tout, ma qualité de ministre du
Reich « témoigne de ma sincérité et de la volonté pacifique de l’Allemagne ».
Dans cette première interview comme dans les suivantes, Hess ne tarda pas à
affirmer que l’Allemagne serait victorieuse et que, si la guerre se prolongeait,
le sort de la Grande-Bretagne serait épouvantable. Ses hôtes feraient donc bien
de profiter de sa présence pour négocier la paix.
Ce nazi fanatique et imbu de lui-même s’imaginait tout bonnement
que le gouvernement britannique allait accepter d’emblée d’entamer des
pourparlers avec lui ! Puisqu’il était venu de son plein gré et désarmé (85),
il trouvait juste d’être traité à l’égal d’un prisonnier sur parole et pria le
duc de Hamilton d’intervenir dans ce sens auprès du roi George VI.
Plus tard, il demanda qu’on lui manifestât les égards dus à un représentant de
gouvernement.
Toutes les conversations suivantes, à l’exception d’une seule, furent
conduites, du côté anglais, par un homme extrêmement averti, Sir Ivor
Kirkpatrick, ancien premier secrétaire à l’ambassade de Berlin [116] .
C’est à ce diplomate particulièrement versé en politique nazie que Rudolf Hess
découvrit ses batteries, non sans avoir rabâché auparavant comme un perroquet
les mensonges de son maître à propos des agressions allemandes (Autriche, Scandinavie,
Pays-Bas, etc.), après avoir répété aussi que l’Angleterre était responsable de
la guerre et serait battue à plate couture si elle n’y mettait immédiatement un
terme.
Les propositions de Hess reproduisent, à peu de chose près, celles
qu’Hitler avait pressé Chamberlain d’accepter – sans succès d’ailleurs – à la
veille de l’agression de la Pologne. A savoir : carte blanche à l’Allemagne
en Europe en échange de la « complète liberté d’action de la
Grande-Bretagne dans son empire ». Les anciennes colonies allemandes
devraient, bien entendu, être restituées au Reich et la paix conclue entre la
Grande-Bretagne et l’Italie.
« Comme nous quittions la pièce, relate Ivor
Kirkpatrick, Hess lança ce qui, dans son esprit, devait être un coup décisif. Il
avait oublié, dit-il, de m’avertir que l’Allemagne n’accepterait d’entamer les
pourparlers qu’avec un nouveau gouvernement. Monsieur Churchill, coupable d’avoir
comploté la guerre depuis 1936, et ses collègues du parlement, complices de sa
politique belliciste, étaient indignes de négocier avec le Führer. »
Pour quelqu’un d’aussi intimement intégré au Parti nazi et d’aussi
étroitement mêlé aux combats de fauves du Troisième Reich, Rudolf Hess apparaît
comme un personnage singulièrement naïf. Tous ceux qui le connurent partagent
cette opinion. N’espérait-il pas être immédiatement reçu en qualité de
négociateur officiel, sinon par Churchill en personne, du moins par un membre
du parti de l’opposition, dont, croyait-il, le duc de Hamilton était un des
chefs de file ?
Lorsqu’il s’aperçut que ses contacts avec les sphères
gouvernementales britanniques se réduisaient depuis quatre jours à un dialogue
avec Sir Kirkpatrick, Hess devint agressif. Le 14 mai, il fit au diplomate
sceptique le tableau des conséquences sinistres qu’entraînerait pour la Grande-Bretagne
la poursuite de la guerre, à commencer par un
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