Le Troisième Reich, T2
automobile, expédié d’avance à l’aérodrome. Les deux jeunes
officiers n’eurent donc pas l’occasion de l’approcher. Cet échec et quelques
autres donnèrent aux conspirateurs une décevante leçon.
Approcher le Führer n’était pas tout. Se
saisir de lui, l’arrêter, ne résoudrait pas le problème. La majorité des
généraux de la vieille garde, encore trop lâches ou simplement trop fidèles à
leur serment d’obéissance, hésiteraient sûrement à aider les téméraires dans la
poursuite de l’action commencée. C’est à cette époque – automne 1941 – qu’une
poignée de jeunes officiers de la Wehrmacht, militaires d’occasion,
tel Schlabrendorff, vinrent à penser que tuer Hitler était la solution la
meilleure et la plus simple.
Cela fait, les généraux pusillanimes, relevés ipso facto de leur serment d’obéissance au dictateur, emboîteraient le pas au nouveau
régime et lui apporteraient l’appui de l’armée. A Berlin, les rebelles n’étaient
pas encore prêts à s’avancer aussi loin. Ils se contentèrent d’élaborer un plan
passablement absurde d’action indirecte, qui, s’imaginaient-ils, permettrait de
débarrasser le Reich de son despote tout en laissant leur
conscience en paix. Il est difficile, même aujourd’hui, de suivre ce qui se
passa dans leur esprit…
Bref, sur un signal donné, il s’agissait pour les chefs
militaires des deux fronts de refuser obéissance aux ordres d’Hitler, leur
commandant suprême. Il y aurait eu là trahison de leur serment, mais les
sophistes de Berlin découvrirent une échappatoire à ce problème gênant. Ils
prétendirent en tout cas que le but de ce refus massif d’obéissance consistait
à créer un état de confusion, au milieu duquel Beck, aidé
par des détachements de l’armée territoriale, renverserait Hitler, s’emparerait
du pouvoir et jetterait à bas le régime national socialiste.
L’armée territoriale n’était pas, à proprement parler, une armée
régulière, mais un groupement de recrues soumises aux rudiments de l’instruction
militaire en vue de leur envoi sur le front russe. Pour qu’un tel coup de main
réussît, il fallait obtenir avant tout l’adhésion des chefs militaires de haut
rang, ayant sous leurs ordres des troupes chevronnées. L’un d’entre eux sembla
tout désigné pour prendre la direction des opérations, le maréchal von Witzleben, déjà mêlé au complot d’Halder à l’époque de
Munich, et devenu commandant en chef d’un groupe d’armées sur le front
occidental.
Le général Alexandre von Falkenhausen, gouverneur
militaire en Belgique, lui fut adjoint. Afin de les initier l’un et l’autre au
plan de renversement du Führer, les conjurés leur
dépêchèrent Hassell à la mi-janvier. Déjà surveillé par la Gestapo, l’ex-ambassadeur
du Reich utilisa le paravent d’une tournée de conférences
aux officiers et fonctionnaires d’occupation sur le thème : « espace vital et impérialisme »
pour dissimuler l’objet secret de ses allées et venues. C’est ainsi qu’à
Bruxelles il put s’entretenir confidentiellement avec Falkenhausen et, à Paris,
avec Witzleben. Tous deux lui firent bonne impression, surtout le dernier.
Expédié sur une voie de garage en France, tandis que ses
compagnons d’armes combattaient glorieusement en Russie, Witzleben rongeait son
frein ; il avait soif d’action. Il qualifia d’« utopique » le
plan des conjurés. Pour abattre Hitler, une seule solution était possible à son
avis : l’action directe, à laquelle il était prêt à participer au premier
rang. Afin de mettre tous les atouts de son côté, mieux valait attendre l’achèvement
de l’offensive allemande en Russie. Par ailleurs, Witzleben souhaitait se
trouver en pleine forme physique et devait pour cela subir une petite
intervention chirurgicale (comme Frédéric le Grand, et quelques autres
seigneurs germaniques, il souffrait d’hémorroïdes). Malheureusement pour le
maréchal et ses affiliés, cet intermède eut des conséquences désastreuses. L’opération
destinée à le délivrer de cette affection gênante et douloureuse ne présentait
aucune gravité, mais nécessitait un séjour à l’hôpital.
Au cours du bref congé qui lui fut accordé, le hasard voulut qu’Hitler
l’écartât du service actif et le remplaçât par von Rundstedt qui, lui, manquait
de cran pour combattre ouvertement son Führer. Il ne restait plus
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