Le Troisième Reich, T2
satisfait de la décision d’Hitler.
L’intervention du Japon, assura-t-il le 12 décembre, allégera sensiblement
la situation dans l’Atlantique. L’Amérique a déjà déplacé de l’Atlantique au
Pacifique plusieurs de ses bâtiments de guerre et il est certain que des unités
légères, en particulier les contre-torpilleurs, suivront le même chemin. Il
faudra bientôt y ajouter un très grand nombre de navires marchands. Les
transports à destination de l’Angleterre seront réduits d’autant.
Après avoir si témérairement jeté les dés, Hitler se sentit
soudain en proie au doute : « Croyez-vous, demanda-t-il à l’amiral, que
l’ennemi se prépare à occuper les Açores, les îles du Cap-Vert, et
éventuellement Dakar, dans le but de reconquérir son prestige atteint par ses
échecs du Pacifique ? – Pendant les mois qui vont suivre, répondit Raeder,
les États-Unis devront concentrer toutes leurs forces dans le Pacifique, et l’Angleterre,
après les pertes qu’elle vient de subir, ne voudra pas courir de nouveaux
risques [153] . »
« Pensez-vous, demanda, encore Hitler, que les
États-Unis et la Grande-Bretagne soient capables d’abandonner pour un temps l’Est
Asiatique pour s’attaquer d’abord à l’Allemagne et à l’Italie ? » Là
encore l’amiral le rassura. « Il est très improbable que l’ennemi
abandonne l’Extrême-Orient, même temporairement, car il mettrait
alors l’Inde sérieusement en péril. D’autre part, aussi longtemps que la flotte
japonaise garde la maîtrise du Pacifique, les États-Unis ne peuvent songer à en
retirer la leur. »
Raeder acheva de réconforter le Führer en l’informant que six « gros »
sous-marins venaient de mettre le cap sur la côte Est des États-Unis.
Étant donné la situation sur le front russe et dans le désert
égyptien, où l’Afrika Korps de Rommel continuait à battre en retraite, les
préoccupations du chef suprême du Reich et de ses généraux se détournèrent
promptement du nouvel ennemi, pleinement absorbé lui-même dans le lointain
Pacifique. Elles y revinrent avant qu’un an ne fût écoulé. 1942 marqua en effet
l’irrévocable tournant qui allait décider non seulement de l’issue d’un conflit
jugé par Hitler terminé et gagné dès 1941, mais aussi du destin du Troisième
Reich : ce Reich auquel Hitler, grisé par son ascension vertigineuse et
ses stupéfiantes victoires initiales, assignait une durée de mille ans.
Au fur et à mesure de l’approche de l’année nouvelle – 1942 –, le
journal de Halder reflète la menace qui se précise :
30 décembre 1941 : « Encore un jour noir ! »
31 décembre 1941 : « Sombre fin d’année »…
Le chef de l’état-major général commence à avoir la prémonition
des événements tragiques qui se préparent.
26 -
1942 : LE GRAND TOURNANT
EL ALAMEIN ET STALINGRAD
LES CONSPIRATEURS REAPPARAISSENT
Les graves défaites des armées hitlériennes en Russie au cours
de l’hiver 1941-1942, ainsi que la disgrâce de maréchaux et de généraux de
premier plan, ressuscitèrent les espoirs des conspirateurs. Tant que les
triomphes des guerriers germaniques se succédaient les uns aux autres ; tant
que la gloire insolente des armées du Troisième Reich s’étalait à la face du
ciel, les chefs militaires allemands ne songèrent pas à se rebeller. A présent,
les orgueilleuses et, jusqu’alors, invincibles armées nazies fuyaient à travers
la neige devant un ennemi de trempe supérieure. En six mois, la campagne de
Russie venait d’engloutir plus d’un million d’hommes. Une phalange de généraux,
parmi les plus renommés, avait été sacrifiée. Quelques-uns, tels que Hœpner et
Sponeck, boucs émissaires de l’impitoyable dictateur, humiliés publiquement et dépouillés
de leur commandement [154] .
« Le moment approche », annonce Hassell, optimiste,
dans ses carnets du 21 décembre 1941. Il est persuadé, et avec lui tous
les autres conjurés, que le corps des officiers prussiens de la vieille école
réagirait comme un seul homme contre le honteux traitement qu’Hitler leur
infligeait et, par-dessus tout, contre la démence du chef suprême, coupable de
les avoir amenés, eux et leurs armées, au bord de la catastrophe. Depuis les
défaites essuyées en Russie et l’entrée en guerre de l’Amérique, tous jugeaient
la victoire allemande impossible, mais non pas la partie irrémédiablement
perdue. Un
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