Le Troisième Reich, T2
à
Stalingrad est particulièrement venimeux :
« Ils n’ont pas été capturés, gronde-t-il. Ils se sont
rendus volontairement, ouvertement ! Sinon, ils auraient serré les rangs, formé
un hérisson et se seraient suicidés avec la dernière balle de leur revolver… Paulus
avait le devoir de se tuer, à l’exemple des grands chefs de jadis qui, lorsqu’ils
voyaient tout perdu, se transperçaient la poitrine de leur épée… Varus lui-même,
après la perte de ses légions, ordonna à son esclave de l’achever : Et
maintenant, tue-moi ! La suite est facile à imaginer. Paulus va être
emmené à Moscou et, une fois pris au piège, il fera tous les aveux qu’on voudra,
signera n’importe quoi, fera des proclamations, vous verrez. »
Et encore :
« Les voilà sur la pente savonnée de la faillite
morale. Ils glisseront jusqu’au fond… Vous verrez ce que je vous dis. Avant une
semaine, Seydlitz, Schmidt et Paulus lui-même vont se faire entendre à la radio
de Moscou [176] …
On va les emprisonner à la Lioublanka, où ils seront dévorés par les rats !
Comment ont-ils pu se montrer aussi lâches… je n’arrive pas à comprendre… Qu’est-ce
que la vie ? La vie, c’est la Nation.
L’individu est condamné à mourir mais, au-delà de l’individu,
il y a la Nation souveraine. Pourquoi redouter la mort puisque, grâce à elle, nous
pouvons nous libérer de notre misère lorsque notre devoir ne nous tient pas
enchaînés à cette vallée de larmes !… Et voilà que le geste de cet homme (Paulus)
souille à la dernière minute l’héroïsme de centaines de milliers d’autres…
« Alors qu’il pouvait se délivrer des tristesses de ce
monde et entrer dans l’immortalité, il a préféré aller à Moscou… Ce qui me fait
le plus de mal, personnellement, c’est de lui avoir donné le bâton de maréchal !
Je tenais à ce qu’il reçoive cette satisfaction avant de mourir. Cela prouve qu’il
ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Paulus sera en
tout cas le dernier feld-maréchal que j’aurai nommé tant que durera la guerre (27). »
Restait à apprendre la capitulation au peuple allemand. Quelle
version adopter ? Hitler et Zeitzler en décidèrent après un bref colloque
et, le 3 février, l’O. K. W. radiodiffusait le communiqué spécial que
voici :
« La bataille de Stalingrad a pris fin. Fidèle à son
serment de combattre jusqu’à son dernier souffle, la VIe armée, sous le
commandement exemplaire du maréchal Paulus, a succombé sous l’assaut d’un
ennemi supérieur en nombre et en raison des circonstances défavorables
auxquelles elle eut à faire face. »
La lecture du communiqué fut précédée d’un roulement de tambours
voilés et suivie de l’exécution du deuxième mouvement de la Ve Symphonie de
Beethoven. Hitler décréta un deuil national de quatre jours, pendant lesquels
tous les théâtres, cinémas et music-halls fermèrent leurs portes.
« Stalingrad fut pour nous un second Iéna, écrivit l’historien
allemand Walter Gœrlitz, et, sans conteste, la plus grande défaite jamais
essuyée par une armée allemande (28). »
En vérité, la tragédie de Stalingrad représente beaucoup plus qu’une
défaite militaire. Ajoutée à la débâcle d’El Alamein et au débarquement
anglo-américain d’Afrique du Nord, elle marqua le tournant fatidique de la
seconde guerre mondiale. La marée des conquêtes hitlériennes qui venait d’engloutir
l’Europe jusqu’aux confins de l’Asie et le Moyen-Orient presque jusqu’au Nil, refluait
pour ne plus jamais reparaître.
Le temps du Blitzkrieg , des gigantesques offensives, des
ruées de milliers de chars et de milliers de bombardiers semant l’épouvante
dans les rangs de l’adversaire et n’en faisant qu’une bouchée, ce temps-là était
révolu. Quelques sursauts désespérés se produisirent encore çà et là : à
Kharkov, au printemps de 1943 ; dans les Ardennes, en décembre 1944, mais
ils firent partie d’une tactique défensive poursuivie par la Wehrmacht avec ténacité et courage pendant deux ans encore.
L’initiative et la suprématie échappées aux mains d’Hitler
appartenaient à présent, et une fois pour toutes, à ses ennemis, sur terre, sur
mer et dans les airs. Déjà, dans la nuit du 30 mars 1942, la R. A. F. avait
exécuté un premier raid massif de 1 000 bombardiers sur Cologne. Tout au
long de l’été, d’autres suivirent sur
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