Le Troisième Reich, T2
radiogramme :
« Effondrement final ne peut être retardé que de
vingt-quatre heures. »
Au reçu de ce message, le chef suprême des forces armées du
Reich s’empressa de répandre sur les condamnés de Stalingrad une pluie de
promotions, dans l’espoir de galvaniser leur résolution de mourir glorieusement
à leur poste. Ce geste macabre fit monter en grade cent dix-sept officiers. Quant
à Paulus, remarqua Hitler, il est sans exemple dans l’Histoire qu’un
feld-maréchal allemand ait été fait prisonnier. Cela dit, il conféra
incontinent au chef de la VIe armée moribonde le bâton de maréchal qu’il
convoitait.
Le baisser de rideau nous ramène à des réalités moins grandioses.
Tard dans la soirée du 31 janvier, Paulus adressa au G. Q. G. son ultime
radiogramme :
« Fidèle à son serment et pleinement consciente de la
grandeur de sa mission, la VIe armée a tenu ses positions jusqu’au dernier
homme et à la dernière cartouche. Pour le Führer et pour la Patrie… jusqu’au
bout. »
A sept heures quarante-six du soir, l’opérateur-radio du Q. G. de
la VIe armée émettait son propre message :
« Les Russes sont à la porte de notre abri. Nous détruisons
les appareils. » Il terminait son émission par les lettres « C. L. »
du code international, signifiant : La station n’émettra plus .
Disons qu’au Q. G. de la VIe armée il n’y eut pas de combats de
dernière minute. Paulus et son état-major ne défendirent pas leur sous-sol
jusqu’au dernier homme et à la dernière cartouche : ils se contentèrent d’attendre…
Bientôt, un détachement de soldats de l’Armée Rouge commandé par un officier
subalterne pénétra dans la cave obscure où ils se tenaient. L’officier les pria
de se rendre. Le général Schmidt, chef d’état-major de la VIe armée, le fit au
nom de tous, puis, se tournant vers Paulus, prostré sur son lit de camp, le
questionna. : « N’avez-vous rien à ajouter, monsieur le maréchal ? »
Paulus, à bout de forces, ne répondit même pas.
Entre-temps, à l’extrémité nord de Stalingrad, une petite poche
de résistance contenant les dernières miettes de ce qui avait été 2 divisions
blindées et 4 divisions d’infanterie tenait encore au milieu des ruines d’une
usine de tracteurs. Le 1er février, le Führer leur adressa ce dernier
message :
« Le peuple allemand attend que vous fassiez votre
devoir à l’exemple des soldats qui défendent encore la forteresse sud. Chaque
jour, chaque heure de votre combat contribue à faciliter la création d’un
nouveau front. »
Le 2 février, après avoir adressé au chef suprême le
message que voici :
« Avons combattu jusqu’au dernier homme contre un ennemi d’une
écrasante supériorité… Vive l’Allemagne ! », cette dernière poignée d’hommes
se rendait à son tour et, enfin, le silence s’étendit sur le chaos du champ de
bataille de Stalingrad, sur la neige éclaboussée de sang, sur les ruines
calcinées. A deux heures quarante-six de l’après-midi, un avion de
reconnaissance allemand survola la cité morte et annonça : « Plus
aucun indice de bataille. »
A la même heure, par une température de 37°au-dessous de zéro, 91 000
soldats et 24 généraux à demi morts de faim, les membres gelés, un grand nombre
blessés, tous hébétés, anéantis d’épuisement, la tête enveloppée de couvertures
engluées de sang, se traînaient, trébuchants, à travers la neige, vers les
sinistres camps de Sibérie [175] .
91 000 prisonniers… tout ce qui restait d’une armée triomphante de 285 000
hommes. Sur ces 91 000 rescapés du massacre, 5 000 seulement devaient
revoir leur mère patrie. Selon les chiffres publiés en 1958 par le gouvernement
de Bonn, l’épidémie de typhus qui sévit dans les camps au printemps de 1943
extermina un premier contingent très nombreux. Et ce n’était qu’un début…
Pendant ce temps, dans sa Tanière du Loup , confortablement
chauffée, le dictateur, dont l’irréductible entêtement et la stupidité
portaient la responsabilité du désastre, vilipendait ceux des généraux qui se
permettaient d’être encore vivants. Les procès-verbaux de la conférence tenue
le lendemain de la capitulation par Hitler et ses acolytes jette une étonnante
lumière sur l’homme à ce stade crucial de son existence, de celle de ses armées
et de son pays. Son ressentiment envers ceux qui avaient refusé de mourir
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