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Le Troisième Reich, T2

Le Troisième Reich, T2

Titel: Le Troisième Reich, T2 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: William Shirer
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descendre les victimes des
fourgons où elles étaient restées enfermées sans eau et sans nourriture, parfois
plus d’une semaine, car beaucoup venaient de pays aussi éloignés que la France,
la Hollande et la Grèce.
    Malgré les scènes déchirantes qui se produisaient au moment où l’on
arrachait les femmes à leurs maris, les enfants à leurs parents, aucun des
prisonniers – selon le témoignage de Hœss et les récits des survivants – ne se
doutait de ce qui les attendait. De fait, on remettait à certains d’entre eux
de jolies cartes postales en leur disant de les envoyer à leurs parents après
les avoir signées. Elles portaient le mot « Waldsee » et une formule
imprimée libellée comme suit :
    Tout va très bien ici. Nous avons du travail et nous sommes
bien traités. Nous attendons votre arrivée.
    Vues d’assez près, les chambres à gaz elles-mêmes et les fours
crématoires contigus n’avaient rien de sinistre ; il était impossible de
deviner leur destination. Des pelouses bien entretenues, bordées de
plates-bandes de fleurs, les recouvraient ; sur chaque entrée on lisait
simplement le mot « Bains ». Les Juifs, sans méfiance, croyaient tout
bonnement qu’on les emmenait aux bains pour les opérations d’épouillage – formalité
habituelle à la vie des camps. Et on les y conduisait au son d’une musique
douce ! Un orchestre de « jeunes et jolies filles, vêtues de blouses
blanches et de jupes bleu marine », ainsi que se le rappelait un survivant,
avait été constitué à l’aide des détenues.
    Tandis que l’on procédait au tri des Juifs et que l’on désignait
ceux qui étaient bons pour les chambres à gaz, cet ensemble musical, unique
dans son genre, jouait des airs gais, allant de la Veuve Joyeuse aux Contes
d’Hoffmann . Exclus, les airs sombres et solennels de Beethoven ! A
Auschwitz, les marches funèbres étaient gaies et entraînantes, elles venaient
tout droit des opérettes viennoises et parisiennes. Au son de cette musique, qui
leur rappelait des temps plus heureux et plus frivoles, les hommes, les femmes
et les enfants étaient conduits vers les « établissements de bains »,
où on leur enjoignait de se déshabiller pour prendre une « douche ».
    Parfois on leur distribuait même des serviettes. Lorsqu’ils
étaient à l’intérieur de la « salle de douche » – et peut-être
était-ce alors la première fois qu’ils flairaient le piège en se voyant
entassés à plus de 2 000 dans la pièce, pressés comme des sardines, chose
peu commode pour prendre une douche – la porte massive glissait et se refermait
hermétiquement. Au-dessus d’eux, là où les pelouses bien lisses et les bordures
de fleurs dissimulaient presque complètement les couvercles des bouches d’aération
qui montaient du vestibule de la mort, des hommes se tenaient prêts à y laisser
tomber les cristaux bleu-améthyste de cyanure, ou Zyklon B, qui, à l’origine, avaient
été fabriqués comme désinfectant et auquel Hœss avait trouvé un nouvel emploi, dont
il n’était pas peu fier.
    Les survivants, qui regardaient des baraques avoisinantes, se
souviennent que, pendant une période, le signal de verser les cristaux dans les
bouches d’aération fut donné par un certain sergent Moll : «  Na, gib
ihnen schon zu fressen  » (Vas-y, donne-leur à bouffer !), criait-il
en riant, et les cristaux glissaient dans les ouvertures que l’on refermait
hermétiquement.
    A travers des hublots en verre épais, les bourreaux
surveillaient ce qui se passait. Au-dessous, les prisonniers nus levaient les
yeux vers les pommes de douche d’où ne tombait aucune goutte d’eau, ou
peut-être regardaient-ils à leurs pieds et s’étonnaient-ils qu’il n’y eût pas
de rigoles d’écoulement. Il fallait quelques instants pour que le gaz fît
vraiment son effet. Mais bientôt les malheureux se rendaient compte qu’il
arrivait par les trous des bouches d’aération. A ce moment-là, en général, la
panique se déclenchait, les victimes se massaient loin des tuyaux pour
finalement se ruer sur l’immense porte métallique où, ainsi que le dit
Reitlinger, « elles s’entassaient en une pyramide bleue et moite, mouchetée
de sang, se griffant et se meurtrissant les uns les autres jusque dans la mort ».
    Vingt ou trente minutes plus tard, quand cet immense amas de
chair nue avait cessé de se tordre, des pompes aspiraient l’air empoisonné, on
ouvrait la porte

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