Le Troisième Reich, T2
expédié, en même temps que d’autres
objets de valeur arrachés aux victimes juives, à la Reichsbank où, conformément
à un accord secret passé entre Himmler et le gouverneur général de la Banque, le
docteur Walther Funk, il était porté au crédit des S. S., à un compte portant
comme nom de couverture : « Max Heiliger. » Ce butin provenant
des camps d’extermination comprenait, outre l’or des dentures, des montres d’or,
des boucles d’oreilles, des bracelets, des bagues, des colliers et jusqu’à des
montures de lunettes. Car on avait invité les Juifs à emporter avec eux tous
leurs bijoux pour la « réinstallation » promise. Ce butin comprenait
également des joyaux, en particulier des diamants, de l’argenterie et d’épaisses
liasses de billets de banque.
En fait, la Reichsbank fut bientôt envahie par les dépôts faits
au nom de « Max Heiliger ». Dès 1942, ses caves étant remplies à
craquer, les directeurs de la banque, soucieux d’en tirer profit, cherchèrent à
transformer ces dépôts en argent liquide en les écoulant grâce aux
monts-de-piété ! Dans une lettre adressée par la Reichsbank à la caisse du
Crédit municipal de Berlin, et datée du 15 septembre, il est fait mention
d’un « second envoi ». Elle commence ainsi : « Nous vous
soumettons les objets de valeur suivants, en vous priant de les utiliser au
mieux. » La liste est longue et détaillée, elle comprend 154 montres en or,
1 601 boucles d’oreilles en or, 132 bagues de diamant, 784 montres de
poche en argent et « 160 dentiers divers, en partie en or ».
Au début de 1944, la maison de prêt de Berlin, débordée à son
tour sous le flot continu de ces biens volés, informa la Reichsbank qu’elle ne
pouvait plus en accepter. Quand les Alliés envahirent l’Allemagne, ils
découvrirent dans certaines mines de sel abandonnées une partie des documents
et du butin que les nazis y avaient caché. Il restait suffisamment de butin
provenant du compte « Max Heiliger » pour remplir trois grandes caves
de la succursale de la Reichsbank, à Francfort (66).
Les banquiers connaissaient-ils les sources de ces « dépôts »
uniques dans leur genre ? Lors de sa déposition au cours du Procès de
Nuremberg, le directeur du service des Métaux précieux, à la Reichsbank, déclara
que ses adjoints et lui avaient commencé à s’étonner du grand nombre des
expéditions en provenance de Lublin et d’Auschwitz.
Nous savions tous que des camps de concentration se
trouvaient dans ces endroits. Ce fut à la dixième expédition que l’on vit
apparaître de l’or dentaire. Bientôt la proportion d’or dentaire devint
anormalement importante (67).
A Nuremberg, le fameux Oswald Pohl, chef du Bureau Économique de
la S. S., chargé des transactions pour cette organisation, affirma que le
docteur Funk ainsi que les directeurs et autres employés supérieurs de la
Reichsbank connaissaient parfaitement l’origine des biens dont ils essayaient
de trafiquer. Il donna quelques détails concernant la livraison à la Reichsbank
des objets de valeur enlevés aux Juifs. Il se souvenait d’une conversation avec
le vice-président de la banque, le docteur Emil Pohl.
Cet entretien ne laissa subsister aucun doute sur le fait
que les objets à livrer (provenaient) des Juifs tués dans les camps de
concentration. Les objets en question comprenaient des bagues, des montres, des
lunettes, des lingots d’or, des alliances, des broches, des épingles, des
aurifications et autres objets précieux.
Un jour, raconta Pohl, après une tournée d’inspection dans les
sous-sols de la Reichsbank, où se trouvaient les objets de valeur provenant des
Juifs, le docteur Funk offrit au groupe des visiteurs un dîner fort agréable, au
cours duquel la conversation tourna autour de l’origine de ce butin (68) [207] .
« LE GHETTO DE VARSOVIE N’EST PLUS »
Plus d’un témoin oculaire a parlé de la résignation avec
laquelle beaucoup de Juifs affrontèrent la mort dans les chambres à gaz ou dans
les grandes fosses à exécution des pelotons spéciaux. Tous pourtant ne se
soumirent pas aussi docilement à l’extermination. Au cours du printemps 1943, quelque
60 000 Juifs emmurés dans le ghetto de Varsovie – seuls survivants des 400 000
parqués là depuis 1940 – se soulevèrent contre leurs tortionnaires les armes à
la main.
Nul peut-être n’a laissé un récit plus sinistre – et plus digne
de foi
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