Le Troisième Reich, T2

en
résulterait… l’anéantissement de la race juive dans toute l’Europe. »
    « C’était une prophétie, avait-il dit, et il la répéta cinq
fois de vive voix, dans des occasions publiques. Peu lui importait que ce fût
lui, et non « les financiers juifs internationaux », qui ait plongé
le monde dans un conflit armé. Ce qui lui importait, c’est qu’une guerre
mondiale était en cours et qu’elle lui fournissait l’opportunité de procéder à
leur « anéantissement » – lorsqu’il aurait conquis les vastes régions
de l’Est où se trouvaient la majorité des Juifs européens. Dès l’invasion de la
Russie, il avait déjà donné des ordres en conséquence.
    Ce qui fut bientôt connu dans les hautes sphères nazies sous le
nom de « Ordre du Führer concernant la solution définitive » ne fut
apparemment jamais couché sur le papier – du moins on n’en a pas retrouvé jusqu’ici
trace dans les documents nazis pris par les Alliés. Tout semble prouver que cet
ordre fut transmis verbalement par Gœring, Himmler et Heydrich, au cours de l’été
et de l’automne 1941. A Nuremberg, plusieurs témoins affirmèrent sous serment
en avoir « entendu » parler, mais aucun d’eux n’admit en avoir pris
connaissance. Ainsi Hans Lammers, chef de la Chancellerie du Reich, pressé de
questions à la barre des témoins, répondit :
    « Je savais qu’un ordre du Führer avait été transmis par
Gœring à Heydrich… Cet ordre était appelé « Solution définitive du
Problème juif (53) ».
    Mais, comme tant d’autres à la barre, Lammers soutint qu’il ne
savait vraiment pas ce dont il s’agissait jusqu’à ce que les juges d’instruction
alliés l’eussent révélé à Nuremberg [198] .
    Au début de 1942, le moment était venu, déclarait Heydrich,
« de résoudre les problèmes fondamentaux » de la « solution
définitive » de manière qu’on pût en entreprendre l’exécution et liquider
la question. Dans ce but, Heydrich provoqua une réunion des représentants des
divers ministères et directions de la S. S. et de la S. D. qui se tint dans un
joli faubourg de Berlin, à Wannsee, le 20 juin 1942. Les procès-verbaux de
cette réunion jouèrent un rôle important au cours de quelques-uns des derniers
procès qui se déroulèrent à Nuremberg (54). Malgré le recul de la Wehrmacht en
Russie, les fonctionnaires nazis croyaient que la guerre était presque gagnée
et que l’Allemagne allait sous peu gouverner toute l’Europe, y compris l’Angleterre
et l’Irlande.
    C’est pourquoi Heydrich déclara à cette assemblée qui comprenait
environ 15 hauts fonctionnaires : « La solution définitive du
Problème juif en Europe concerne approximativement 11 millions de Juifs. »
Puis il détailla les chiffres relatifs à chaque pays. Dans le territoire du
Reich, tel qu’il était à l’origine, il ne restait plus que 131 800 Juifs (sur
environ 250 000 en 1939), mais en U. R. S. S., dit-il, leur nombre s’élevait
à 5 millions, en Ukraine à 3 millions, dans le Gouvernement général de Pologne
à 2 250 000, en France à 750 000 et en Angleterre à 350 000
environ. Il ressortait clairement de cette énumération qu’il fallait exterminer
ces 11 millions. Puis il expliqua comment on allait procéder pour mener à bien
cette tâche.
    « Dans le cadre de la solution définitive, les Juifs
devront, à partir de maintenant, être emmenés dans l’Est… pour y être employés
comme main-d’œuvre. Les Juifs en état de travailler seront formés en groupes
importants de travailleurs de même sexe et envoyés dans ces secteurs où ils
seront affectés à la construction des routes ; sans aucun doute une grande
partie d’entre eux disparaîtra par le jeu d’une élimination naturelle.
    « Le reste, ceux qui auront survécu à tout cela – et
ce sera indubitablement ceux qui offriront la plus forte résistance physique – devront
être traités en conséquence, car il faudra voir en ces gens – qui
représenteront une sélection naturelle – les germes d’une nouvelle expansion
juive. »
    En d’autres termes, les Juifs d’Europe seraient transportés dans
les territoires conquis de l’Est, où on les ferait travailler jusqu’à ce qu’ils
en meurent et les plus résistants – peu nombreux – qui survivraient seraient
purement et simplement mis à mort. Et les Juifs ?… les millions de Juifs… qui
résidaient dans l’Est et se trouvaient déjà