Le Troisième Reich, T2
corps (Hœss
avance le chiffre de 16 000) par jour. A titre d’exemple, au cours de l’été
1944, en quarante-six jours, on mit à mort, dans ce seul camp, entre 250 000
et 300 000 Juifs hongrois. Les chambres à gaz elles-mêmes se révélèrent
insuffisantes et il fallut recourir aux fusillades massives, style Einsatzkommando .
On se contentait de jeter les corps dans des fossés et de les y
brûler, la plupart incomplètement, puis, à l’aide de bulldozers, on ramenait la
terre sur eux. Vers la fin, les commandants de camp se plaignirent que les
fours crématoires se fussent montrés non seulement insuffisants, mais aussi
fort « peu économiques ».
Au début, deux sociétés allemandes furent chargées de fournir
les cristaux Zyklon B pour tuer les victimes. Elles avaient acheté le brevet à
l’I. G. Farben. Il s’agissait de la Société Teseh et Stabenow, de Hambourg, et
de la Société Degesch, de Dessau, la première fournissant 2 tonnes de cristaux
de cyanure par mois et la dernière trois quarts de tonne. Les bulletins d’expédition
furent produits au Procès de Nuremberg.
Les directeurs des deux firmes prétendirent qu’ils avaient vendu
leurs produits uniquement pour la désinfection et ignoraient qu’ils eussent
servi pour asphyxier les victimes, mais ce système de défense s’effondra. On
retrouva des lettres de la Société Tesch et Stabenow proposant de fournir non
seulement les cristaux mais aussi l’équipement nécessaire pour la ventilation
et le chauffage des chambres d’extermination. En outre, l’inimitable Hœss, qui,
une fois lancé dans les aveux, entendait aller jusqu’au bout, révéla que les
directeurs de la compagnie Tesch ne pouvaient ignorer l’usage qui était fait de
leur produit, étant donné qu’ils en avaient fourni de quoi exterminer 2
millions de personnes. Convaincu de ces faits, le jury du tribunal militaire
anglais devant lequel comparaissaient les deux associés Bruno Tesch et Karl
Weinbacher, les condamna tous deux à mort en 1946 ; ils furent pendus. Le
directeur de la seconde société, le docteur Gerhard Peters, de Degesch, Dessau,
s’en tira mieux. Un tribunal allemand le condamna à cinq ans d’emprisonnement (63).
Avant les procès qui se déroulèrent après la guerre, on croyait généralement
en Allemagne que les meurtres collectifs étaient le fait d’un nombre
relativement restreint de S. S. fanatiques. Mais les documents réunis par les
tribunaux ne laissent aucun doute j sur la complicité d’un nombre important d’hommes
d’affaires allemands, non seulement les Krupp et les directeurs du trust de
produits chimiques I. G. Farben, mais également de petits chefs d’entreprises
qui, aux yeux de leur entourage, devaient paraître sans doute les plus
respectables et les plus quelconques des hommes – semblables à tous les hommes
d’affaires du monde entier. Combien de pauvres gens, impuissants, innocents – juifs
en grande partie, mais comprenant également un nombre assez considérable de
prisonniers de guerre russes – furent-ils exterminés dans le seul camp d’Auschwitz ?
Jamais on n’en connaîtra le nombre exact. Hœss lui-même, dans sa
déposition écrite, donne un nombre approximatif de « 2 500 000
victimes exécutées et exterminées par le gaz et par le feu, et au moins 500 000
mortes de faim ou de maladie, ce qui porte le nombre total à environ 3 millions ».
Un peu plus tard, au cours de son propre procès, à Varsovie, il réduisit ce
chiffre à 1 135 000. Le gouvernement soviétique, qui fit procéder à
une enquête sur place, à Auschwitz, après que l’Armée Rouge se fut emparée du
camp en janvier 1945, estime que le nombre des victimes s’éleva à 4 millions. Reitlinger,
se basant sur l’étude très approfondie qu’il a faite de la question, doute que
le nombre des gazés à Auschwitz ait « même atteint le chiffre de 750 000 ».
Selon lui, 600 000 personnes environ auraient péri dans les chambres à gaz,
auxquelles il convient d’ajouter « un facteur indéterminé, estimé à
environ 300 000 disparus », fusillés, morts de faim ou de maladie. Quel
que soit le chiffre auquel on s’arrête, il est effarant (64).
On brûlait les corps, mais les dents aurifiées résistaient au
feu et on les retirait des cendres, lorsqu’elles n’avaient pas été arrachées au
préalable par les équipes spéciales travaillant sur les piles de cadavres [206] .
L’or était fondu et
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