Le Troisième Reich, T2
cœur, la
respiration, etc… Les cris de souffrance des malheureux déchiraient souvent la
nuit.
Au début (expliqua Neff au tribunal) Rascher défendit que
ces épreuves eussent lieu sous anesthésie. Mais les sujets faisaient un tel
tapage que Rascher ne put continuer ces expériences sans anesthésie (87).
Par un soir d’hiver, on laissait mourir les sujets – puisque
Himmler avait dit qu’ils le méritaient – dans les cuves d’eau glacée ou étendus
nus sur le sol à l’extérieur des baraques de Dachau. S’ils survivaient, on les
tuait sans tarder. Mais les braves aviateurs et marins au bénéfice desquels on
poursuivait en apparence ces expériences et qui étaient susceptibles de se
retrouver dans les eaux glacées de l’océan Arctique ou perdus dans quelque
espace glacé au-dessus du Cercle Arctique, en Norvège, en Finlande ou au nord
de la Russie, devaient être si possible sauvés. L’inimitable docteur Rascher
décida donc d’essayer sur ses cobayes humains de Dachau ce qu’il appelait des « expériences
de réchauffement ».
Quelle était la meilleure méthode pour réchauffer un homme gelé
et lui sauver peut-être la vie ? Heinrich Himmler, jamais en retard pour
proposer des solutions à ses « savants », suggéra à Rascher d’essayer
le réchauffement, par la « chaleur animale ». Au premier abord, cette
idée ne dit pas grand-chose au médecin. « Le réchauffement par la chaleur
animale – corps d’animaux ou de femmes – est beaucoup trop lent », écrivit-il
au chef des S. S. Mais Himmler le relança :
Je suis très curieux (écrivait-il à Rascher) de savoir ce
que donneraient les expériences de réchauffement par la chaleur animale. Personnellement,
je crois qu’elles peuvent donner les meilleurs résultats.
Bien que sceptique, le docteur Rascher n’était pas homme à
ignorer une suggestion émanant du Führer des S. S. Il se lança donc rapidement
dans une série d’ « expériences » grotesques, dont il laissa des
comptes rendus pour la postérité, en n’omettant aucun détail morbide. On lui
envoya à Dachau 4 détenues du camp de concentration de Ravensbrück, réservé aux femmes. Quelque chose, chez l’une d’elles, troubla le
médecin (on les avait classées comme prostituées) et il en avisa ses supérieurs.
Une des femmes désignées présentait des caractéristiques
raciales typiquement nordiques… Je lui ai demandé pourquoi elle s’était
proposée comme volontaire pour le bordel et elle m’a répondu : « Pour
sortir du camp de concentration. » Comme je lui rétorquais qu’il était honteux
de se proposer comme prostituée, je m’attirai cette réponse : « Mieux
vaut six mois dans un bordel que six mois dans un camp de concentration… »
Ma conscience raciale se révolte à l’idée de livrer à des
éléments concentrationnaires racialement inférieurs une jeune fille qui est
aussi évidemment une pure Nordique… C’est pourquoi je refuse d’employer cette
jeune fille pour mes expériences (88).
Mais il en utilisait d’autres, dont les cheveux étaient moins
blonds et les yeux moins bleus. Le 12 février 1942, il rendit compte de
ses observations à Himmler dans un rapport portant la mention « confidentiel
(89) ».
Les sujets ont été refroidis suivant la méthode habituelle
– habillés ou nus – dans de l’eau froide à des températures variées… On les a
retirés de l’eau lorsque leur température rectale a atteint 30°.
Dans huit cas, on a placé les sujets sur un grand lit, entre
deux femmes nues. On a enjoint aux femmes de se serrer le plus possible contre
le sujet gelé. Puis on les a recouverts tous trois de couvertures…
Une fois que les sujets avaient repris conscience, ils ne s’évanouissaient
plus. Comprenant la situation, ils se blottissaient contre les corps nus des
femmes. La température de leurs corps s’élevait ensuite, approximativement, à
la même vitesse que chez les sujets réchauffés au moyen de couvertures… Une
exception a été toutefois constatée sur quatre sujets, qui pratiquèrent des
relations sexuelles à une température située entre 30°et 32°. Chez ces sujets, aussitôt
après le coït, une montée de température rapide se produisit, comparable à
celle que l’on obtient en les plongeant dans un bain d’eau chaude.
A sa grande surprise, le docteur Rascher découvrit qu’une seule
femme réchauffait plus vite un homme gelé que deux
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