Le Troisième Reich, T2
bolchévisme ou, en quelque sorte, se
montrer accommodants à l’égard du national-socialisme, ils pencheront sans
aucun doute vers l’idée d’un compromis avec nous… Churchill est lui-même un
vieil anti-bolchévique et sa collaboration actuelle avec Moscou n’est qu’une
solution d’opportunisme.
Hitler et Gœbbels semblaient avoir tous deux oublié qui avait
collaboré le premier avec Moscou et qui avait contraint la Russie à la guerre. Résumant
la discussion qu’il avait eue avec Hitler au sujet des possibilités de paix, Gœbbels
concluait :
Tôt ou tard, il nous faudra affronter la question de savoir
vers lequel de nos ennemis nous devrons pencher. L’Allemagne n’a jusqu’ici
jamais eu de chance dans une guerre menée sur deux fronts ; elle sera
incapable de supporter celle-ci à la longue.
Mais n’était-il pas déjà trop tard ? Gœbbels se rendit de
nouveau au quartier général, le 23 septembre, et, au cours d’une promenade
matinale avec le chef nazi, il le trouva beaucoup plus pessimiste que deux
semaines plus tôt sur les possibilités de négocier la paix avec un des
adversaires de manière à n’avoir plus qu’un seul front.
Le Führer ne croit pas que l’on puisse aboutir actuellement
à quelque chose par des négociations. L’Angleterre n’est pas encore assez
assommée… A l’Est, de toute évidence, le moment est fort mal choisi… Staline
possède actuellement l’avantage.
Le même soir, Gœbbels dîna en tête-à-tête avec Hitler.
J’ai demandé au Führer s’il était prêt à entamer des
négociations avec Churchill… Il ne croit pas que des négociations avec
Churchill aboutissent à un résultat quelconque étant donné qu’il est trop
profondément ancré dans ses idées hostiles et qu’en outre il se laisse guider
par la haine et non par la raison. Le Führer préférerait, quant à lui, négocier
avec Staline, mais il ne pense pas que ce soit possible…
Quelle que soit la situation, j’ai dit au Führer qu’il
fallait que nous concluions un arrangement avec un côté ou l’autre. Jamais
encore le Reich n’a pu gagner une guerre sur deux fronts. Il faut donc que nous
étudiions comment sortir d’une manière ou d’une autre de cette guerre sur deux
fronts.
C’était là une tâche infiniment plus difficile qu’ils ne
paraissent l’avoir compris, eux qui avaient si légèrement plongé l’Allemagne
dans une guerre sur deux fronts. Mais, en ce soir de septembre 1943, pendant
quelques instants du moins, le Seigneur de la Guerre nazi oublia son pessimisme
et songea aux délices de la paix. Selon Gœbbels, il lui aurait même dit qu’il « aspirait
ardemment » à la paix.
Il dit qu’il aimerait reprendre contact avec des cercles
artistiques, aller au théâtre le soir et fréquenter des artistes (11).
En ce début de la cinquième année de la guerre, Hitler et Gœbbels
n’étaient pas les seuls en Allemagne à spéculer sur les chances et les moyens d’obtenir
la paix. Les conspirateurs antinazis, frustrés et bavards, dont le nombre ne
cessait de croître tout en restant encore lamentablement faible, réfléchissaient
à la question, voyant la guerre perdue bien que les armées hitlériennes
combattissent encore sur le sol étranger. La majorité de ces conspirateurs – pas
tous, il s’en faut – en étaient arrivés, non sans de grands troubles de
conscience, à la conclusion que, pour obtenir une paix qui laisserait à la
Patrie quelque chance de survivre décemment, il leur fallait supprimer Hitler
et par la même occasion balayer le national-socialisme.
1944 approchait, apportant la certitude que les armées
anglo-américaines allaient avant peu lancer une invasion à travers la Manche, la
certitude aussi que l’Armée Rouge allait s’avancer jusqu’aux frontières du
Reich, et que bientôt les bombardements alliés [234] allaient réduire en cendres les grandes et anciennes cités d’Allemagne. Dans
leur désespoir, les conspirateurs décidèrent alors de faire une dernière
tentative pour assassiner le dictateur nazi et abattre son régime avant qu’il
ne précipitât l’Allemagne dans un désastre complet.
Ils savaient que le temps leur était compté.
29 -
L’INVASION DE L’EUROPE OCCIDENTALE
PAR LES ALLIÉS
ET L’ATTENTAT CONTRE HITLER
Au cours de l’année 1943, les conspirateurs avaient fait pour le
moins une demi-douzaine de tentatives pour assassiner le Führer. L’une de
celles-ci avait
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