Le Troisième Reich, T2
– émigrés allemands antinazis, fonctionnaires
diplomatiques anglais et américains – offre que s’empressèrent d’accepter
plusieurs invités.
Malheureusement pour eux, le docteur Reckse était un agent de la
Gestapo, à laquelle il transmit plusieurs lettres révélatrices en même temps qu’un
compte rendu de la réception.
Le comte von Moltke en eut connaissance par un de ses amis du
ministère de l’Air qui avait capté plusieurs conversations téléphoniques entre
le médecin suisse et la Gestapo. Il s’empressa aussitôt d’alerter son ami Kiep,
qui passa le mot aux autres membres du cercle Solf. Mais Himmler possédait les
preuves qu’il voulait. Il attendit quatre mois pour agir, peut-être dans l’espoir
d’opérer un coup de filet plus important. Le 12 janvier, tous ceux qui
avaient assisté à la réception furent arrêtés, jugés et exécutés, à l’exception
de Frau Solf et de sa fille la comtesse Ballestrem [248] ,
qui furent envoyées au camp de concentration de Ravensbrück ; elles
échappèrent miraculeusement à la mort [249] .
Le comte von Moltke, impliqué dans l’affaire avec son ami
Kiep, fut également arrêté. Ce ne devait pas être la seule conséquence de l’arrestation
de Kiep. Les répercussions s’étendirent jusqu’à la Turquie et ouvrirent la voie
à la liquidation définitive de l’Abwehr, dont les fonctions allaient être
confiées à Himmler.
Kiep comptait parmi ses amis antinazis les plus proches Erich
Vermehren et son épouse, l’ex-comtesse Elisabeth von Plettenberg, femme d’une
grande beauté. Comme les autres opposants du régime, tous deux avaient rallié l’Abwehr ;
ils s’étaient fait envoyer à Istanbul en qualité d’agents de cet organisme. La
Gestapo les convoqua à Berlin pour les interroger sur l’affaire Kiep. Conscients
du sort qui les attendait, ils refusèrent, entrèrent en contact avec un agent
secret anglais, au début de février 1944, et furent embarqués à bord d’un avion
à destination du Caire, d’où ils s’envolèrent pour l’Angleterre.
On crut à Berlin – mais il se révéla que c’était inexact – que
les Vermehren s’étaient enfuis avec tous les codes secrets de l’Abwehr et les
avaient transmis aux Anglais. Ce fut pour Hitler la goutte d’eau qui fit
déborder le vase ; cette affaire venant après l’arrestation des Dohnanyi
et autres membres de l’Abwehr confirmait les soupçons grandissants qu’il
nourrissait à l’égard de l’amiral Canaris. Le 18 février 1944, il
ordonnait la dissolution de l ’Abwehr, ses fonctions devant
être reprises par la R. S. H. A.
C’était un nouveau galon à la manche d ’Himmler, dont
la lutte contre le corps des officiers de l’armée remontait aux fausses
accusations qu’il avait portées en 1938 contre le général von Fritsch. Cette
décision privait les forces armées d’un service d’espionnage et de contre-espionnage.
Elle accroissait le pouvoir d’Himmler sur les généraux. Elle portait également
un coup de plus aux conspirateurs qui, désormais, se trouvaient abandonnés à
eux-mêmes, sans aucun service secret avec lequel travailler [250] .
Mais ils n’avaient pas abandonné leur espoir de tuer Hitler. Entre
septembre 1943 et janvier 1944,6 autres tentatives environ furent organisées.
Au mois d’août 1943, Jakob Wallenberg se rendit à Berlin pour
rencontrer Gœrdeler. Celui-ci lui assura que tout était prêt en vue d’un coup
prévu pour septembre et qu’ensuite Schlabrendorff partirait pour Berlin afin d’entrer
en contact avec un envoyé de Churchill et d’entamer des négociations de paix.
« J’attendis le mois de septembre avec une vive impatience », devait
raconter par la suite le banquier suisse à Allen Dulles. « Il se passa
sans que rien se produisît (9). »
Un mois plus tard, le général Stieff, ce bossu à la langue bien
pendue auquel Tresckow avait envoyé les deux bouteilles de cognac et qu’Himmler
qualifia plus tard de « petit nain venimeux », prit les dispositions
nécessaires pour faire exploser une bombe à retardement au cours de la
conférence militaire qu’Hitler tenait tous les jours à midi au quartier général
de Rastenburg ; mais, au dernier moment, il prit peur.
Quelques jours plus tard, la réserve de bombes anglaises que lui avait
procurées l’Abwehr et qu’il avait cachées sous une guérite dans l’enceinte du
quartier général sauta, et si les conjurés ne furent pas
Weitere Kostenlose Bücher