Le Troisième Reich, T2
d’abord qu’il se trouvait dans la baraque et
était parmi les blessés graves que l’on avait aussitôt emmenés à l’hôpital. Hitler,
qui ne le soupçonnait pas encore, demanda cependant à ce que l’on procédât à
une enquête à l’hôpital.
Environ deux heures après l’explosion, des indices commencèrent
à apparaître. Le sergent-chef chargé du téléphone à la Lagebaracke se
présenta pour déclarer que « le colonel borgne » qui lui avait dit
attendre un appel de Berlin était sorti de la salle de conférence et, sans
attendre cette communication, avait quitté la baraque en toute hâte. Certains
officiers qui avaient participé à la conférence se rappelèrent que Stauffenberg
avait laissé sa serviette sous la table. Aux postes de contrôle, les gardes
révélèrent que Stauffenberg et son adjoint étaient sortis du camp aussitôt
après l’explosion.
Les soupçons d’Hitler étaient maintenant éveillés. Un appel
téléphonique à l’aérodrome de Rastenburg apporta un renseignement intéressant :
Stauffenberg s’était envolé précipitamment peu après treize heures en indiquant
comme destination l’aérodrome de Rangsdorf. Himmler ordonna aussitôt son
arrestation à sa descente d’avion, mais son ordre ne parvint jamais à Berlin, grâce
à l’action courageuse de Fellgiebel qui avait coupé les communications.
Jusque-là, il semble bien que personne au quartier général n’ait
soupçonné que des événements graves se déroulaient à Berlin. Tous pensaient que
Stauffenberg avait agi seul. Il ne serait pas difficile de l’appréhender, à
moins, ainsi que certains le soupçonnaient, qu’il n’eût atterri derrière le
front russe. Hitler, qui paraît en cette circonstance avoir manifesté assez de
calme, avait une autre préoccupation immédiate. Il devait accueillir Mussolini,
dont l’arrivée était prévue pour seize heures, son train ayant subi du retard.
Scène un peu étrange et grotesque que celle de cette dernière
rencontre entre les deux dictateurs en cet après-midi du 20 juillet 1944, lorsqu’ils
contemplèrent les ruines de la salle de conférence, tout en cherchant à se
persuader que l’Axe qu’ils avaient forgé et qui avait dominé le continent n’était
pas, lui aussi, en ruine. Ce Duce autrefois si fier, cet homme qui aimait se pavaner,
n’était plus qu’un simple gauleiter dé Lombardie, évadé de prison avec l’aide
des séides nazis, et soutenu par Hitler et les S. S.
Pourtant, l’amitié et l’estime que le Führer portait
au tyran italien déchu ne s’étaient jamais démenties, et il l’accueillit avec
autant de chaleur que son état physique le lui permettait ; il lui montra
les débris encore fumants de la Lagebaracke, où il avait
failli perdre la vie quelques heures plus tôt, et lui prédit que leur cause
commune ne tarderait pas à triompher en dépit de tous les revers.
Le docteur Schmidt, qui assistait à la
scène en qualité d’interprète, la raconte ainsi (29) :
Mussolini se montra absolument horrifié. Il ne parvenait
pas à comprendre comment une telle chose avait pu se produire au quartier général…
« J’étais debout ici près de cette table (dit Hitler) ;
la charge a explosé juste devant mes pieds… Il est évident que rien ne peut m’arriver ;
sans aucun doute, mon destin est de poursuivre mon chemin et d’achever ma tâche…
Ce qui s’est passé ici aujourd’hui est un signe du destin ! Ayant
maintenant échappé à la mort… je suis plus que jamais convaincu que la grande
cause que je sers l’emportera, malgré tous les périls actuels, et que tout se
terminera bien. »
Mussolini, qui, si souvent, s’était laissé transporter par les
paroles d’Hitler, acquiesça.
« Nous nous trouvons dans une situation dramatique (dit-il),
on pourrait presque dire désespérée, mais ce qui est arrivé ici aujourd’hui me
donne un nouveau courage. Après (ce) miracle il est impensable que notre cause
puisse connaître l’échec. »
Les deux dictateurs et leur entourage prirent ensuite le thé et
une scène grotesque suivit. Il était environ cinq heures de l’après-midi. Le
système des transmissions de Rastenburg venait d’être
rétabli sur l’ordre direct d’Hitler et les premiers rapports en provenance de
Berlin commençaient à arriver, indiquant qu’une révolte militaire avait éclaté,
révolte s’étendant peut-être au front de l’Ouest. Des récriminations
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