Le Troisième Reich, T2
général ?
D’étranges rumeurs circulent à Berlin.
Keitel : Que pourrait-il bien se passer ? Tout
est normal.
Fromm : On vient de me prévenir que le Führer
avait été assassiné.
Keitel : Quelle sottise ! Il est exact qu’il
y a eu un attentat, mais fort heureusement, il a échoué. Le Führer est vivant, très
légèrement blessé. A ce propos, où est donc votre chef d’état-major, le colonel
comte Stauffenberg ?
Fromm : Stauffenberg n’est pas encore revenu (31).
A partir de ce moment, Fromm fut perdu pour la conspiration, et
les conséquences allaient se révéler catastrophiques. Stupéfait, Olbricht
sortit hors du bureau sans ajouter un mot. Sur ces entrefaites, Beck arrivait
pour prendre la direction des opérations, il était vêtu d’un complet civil
sombre – peut-être pour minimiser le caractère militaire de la révolte. Mais l’homme
qui dirigeait en réalité les opérations était, ainsi que tous allaient bientôt
le comprendre, le colonel von Stauffenberg, qui, nu-tête et hors d’haleine, monta
l’escalier du vieux ministère de la Guerre, à seize heures trente. Il raconta
brièvement l’explosion que, précisa-t-il, il avait vue lui-même, d’une distance
d’environ 200 mètres.
Olbricht l’interrompit en lui disant que Keitel lui-même venait
à l’instant de leur jurer au téléphone qu’Hitler n’était que légèrement blessé.
Stauffenberg répondit que Keitel cherchait à gagner du temps par un mensonge. En
tout cas, affirma-t-il, Hitler devait avoir été grièvement blessé. Et de toute
manière, ajouta-t-il, il ne restait plus qu’une chose à faire : ne pas
perdre une minute pour renverser le régime nazi. Beck acquiesça. Pour lui, que
le despote fût vivant ou mort ne changeait pas grand-chose. Ils devaient
poursuivre les opérations et mettre un terme à ce règne néfaste.
Hélas ! à la suite de ce retard fatal et dans la confusion
qui régnait, ils ne savaient pas comment aller de l’avant en dépit de leurs
plans soigneusement préparés. Lorsque le général Thiele vint les prévenir que
la nouvelle selon laquelle Hitler avait échappé à un attentat allait être
lancée par les stations de radio, les conspirateurs ne songèrent pas encore, semble-t-il,
que la première chose à faire – et de toute urgence – était de s’emparer du
poste d’émission national, d’empêcher les nazis de s’en servir et de lancer sur
les ondes leurs propres proclamations annonçant la formation d’un nouveau
gouvernement. S’ils ne disposaient pas encore des troupes nécessaires, la
police berlinoise aurait pu s’en charger.
Le comte von Helldorf, chef de la police et conspirateur décidé,
attendait impatiemment depuis midi de se lancer dans l’action avec ses forces
déjà alertées. Mais aucun appel ne lui ; était parvenu et finalement, à
seize heures, il s’était dirigé, vers la Bendlerstrasse pour voir ce qui se
passait. Ce fut pour s’entendre dire par Olbricht que sa police serait placée
sous les ordres de l’armée. Or, il n’y avait pas encore d’armée rebelle – mais
seulement des officiers désorientés qui tournaient en rond, sans soldats à
commander.
Au lieu de s’en occuper sur-le-champ, Stauffenberg demanda une
communication urgente avec son cousin, le lieutenant colonel Caesar von
Hofacker, au quartier général du général von Stuelpnagel, à Paris, afin de
presser les conspirateurs d’entrer en action là-bas. Certes, c’était de la plus
haute importance, étant donné que le complot était mieux organisé en France et
se trouvait appuyé par un nombre plus élevé d’officiers que partout ailleurs, Berlin
excepté. De fait, Stuelpnagel allait montrer plus d’énergie que ses pairs
placés au centre même de la révolte. Avant la nuit, il avait fait arrêter les 1 200
S. S. et S. D., officiers et soldats, présents à Paris, y compris leur redoutable
chef, le général de brigade Karl Oberg. Si, en ce même après-midi, les
conspirateurs avaient manifesté à Berlin la même énergie, et une énergie axée
dans la même direction, l’affaire aurait pu prendre une autre tournure.
Après avoir alerté Paris, Stauffenberg dirigea son attention
vers l’entêté Fromm, dont il était le chef d’état-major, et dont le refus de se
joindre aux rebelles, maintenant qu’il avait appris par Keitel qu’Hitler était
vivant, menaçait sérieusement de compromettre le succès de l’entreprise. Beck
ne se
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