Le Troisième Reich, T2
sentait pas le courage de discuter avec Fromm alors que la partie venait
à peine de commencer ; il s’excusa de ne pas se joindre à Stauffenberg et
à Olbricht, qui allèrent trouver Fromm. Olbricht lui dit que Stauffenberg
pouvait confirmer la mort d’Hitler.
« C’est impossible ! aboya Fromm. Keitel m’a assuré le
contraire.
— Keitel ment, comme d’habitude, dit Stauffenberg. J’ai vu
moi-même emporter le corps d’Hitler. »
Les paroles de son chef d’état-major, qui se trouvait être
également un témoin oculaire, donnèrent à réfléchir à Fromm, et, pendant un
moment, il demeura silencieux. Mais lorsque Olbricht, voulant profiter de son
indécision, lui fit observer que le mot d’ordre de « Walkyrie » avait
été déjà lancé, Fromm bondit et hurla :
« Mais c’est un acte d’insubordination flagrant ! Qui
a donné cet ordre ? »
Quand on lui eut répondu que c’était le colonel Mertz von
Quirnheim, il fit appeler cet officier et lui dit qu’il le mettait aux arrêts.
Stauffenberg tenta un dernier effort auprès de son chef.
« Général, lui dit-il, c’est moi-même qui ai fait exploser
la bombe pendant la conférence. L’explosion a été si forte qu’on aurait dit qu’un
obus de 150 millimètres était tombé sur le bâtiment. Il est impossible qu’il
soit resté un seul survivant. »
Mais Fromm était un opportuniste trop avisé pour se laisser
bluffer.
« Comte Stauffenberg, répondit-il, l’attentat a échoué. Vous
n’avez plus qu’à vous tuer. »
Froidement, Stauffenberg repoussa cette suggestion. Aussitôt
Fromm ordonna l’arrestation de ses trois visiteurs, Stauffenberg, Olbricht et
Mertz.
« Vous commettez une erreur, répondit Olbricht. C’est nous
qui allons vous arrêter. »
Une bagarre inopportune éclata entre les officiers, au cours de
laquelle, selon une version, Fromm aurait frappé au visage Stauffenberg, qui n’avait
qu’un bras pour se protéger. Le général fut rapidement maîtrisé et mis aux
arrêts dans le bureau de son adjoint ; le commandant Ludwig von Leonrod
fut chargé de le garder [269] .
Les rebelles prirent la précaution de couper les fils téléphoniques de cette
pièce.
Stauffenberg revint à son bureau pour apprendre que l’oberführer
Piffraeder était venu pour l’arrêter. C’était une brute S. S. qui venait de se
distinguer en supervisant l’exhumation et la destruction des 221 000
cadavres des Juifs assassinés par les Einzatzgruppen dans les Pays
Baltes, pour empêcher les Russes de découvrir ces charniers au cours de leur
avance. Piffraeder et ses deux S. D. en civil avaient été aussitôt enfermés
dans un bureau adjacent qui se trouvait vide.
Puis le général von Kortzfleisch, qui commandait l’ensemble des
troupes du secteur Berlin-Brandenburg ( Wehrkreis III) arriva pour s’enquérir
de ce qui se passait. Ce général était un pur nazi et il insista pour voir
Fromm ; on l’emmena auprès d’Olbricht, à qui il refusa de parler. Beck le
reçut alors et, devant l’attitude intransigeante de Kortzfleisch, on l’enferma
à son tour. Comme il avait été prévu, le général von Thuengen fut nommé à son
poste.
L’apparition de Piffraeder rappela à Stauffenberg que les
conjurés avaient oublié de placer une garde autour de l’édifice. On fit
aussitôt mettre en faction le bataillon de garde Grossdeutschland, qui aurait
dû être de garde mais ne l’était pas encore. Un peu après dix-sept heures, les
rebelles contrôlaient leur propre quartier général, mais c’était tout ce qu’ils
contrôlaient à Berlin. Qu’était-il arrivé aux troupes qui étaient censées
occuper la capitale et la livrer au nouveau gouvernement antinazi ?
Un peu après seize heures, les conjurés s’étant enfin réveillés
après le retour de Stauffenberg, le général von Hase, commandant la place de
Berlin, téléphona au commandant du bataillon d’élite de la garde
Grossdeutschland, à Dœberitz, lui enjoignit d’alerter | son unité et de se
présenter immédiatement à la Kommandantur de l’Unter den Linden. Le
commandant de bataillon, récemment i nommé, s’appelait Otto Remer et il allait
jouer un rôle primordial au cours de la journée, encore que ce ne fût pas celui
escompté par les conjurés.
Ils l’avaient sondé, puisqu’un rôle important avait été dévolu à
son bataillon, et s’étaient contentés de savoir qu’il était un officier sans
opinions
Weitere Kostenlose Bücher