Le Troisième Reich, T2
fussent
immobilisés par manque de combustible, et Speer expliquait patiemment que les
hauts fourneaux et les usines d’armement étaient dans une situation identique
pour la même raison. La perte des champs pétrolifères de Roumanie et de Hongrie
et le bombardement des usines de pétrole synthétique d’Allemagne provoquèrent
une telle pénurie d’essence qu’un grand nombre d’avions – pourtant absolument
nécessaires – restaient cloués au sol et se faisaient détruire sur place par
les attaques aériennes des Alliés. Les divisions de panzers étaient également
paralysées.
L’espoir d’une « arme miraculeuse », qui avait
longtemps soutenu le courage des masses populaires autant que de l’armée et
même de généraux aussi lucides que Guderian, cet espoir dut être enfin
abandonné. Les rampes de lancement des V-1 et V-2, destinés à la
Grande-Bretagne, furent presque entièrement perdues quand les forces d’Eisenhower
reconquirent les côtes françaises et belges. Il n’en restait plus que
quelques-unes en Hollande. Anvers et d’autres objectifs militaires reçurent une
pluie de 8 000 de ces projectiles après que les armées anglo-américaines
eurent atteint la frontière allemande ; mais les dégâts furent
négligeables.
Hitler et Gœring avaient également compté sur les nouveaux
chasseurs à réaction – dont ils réussirent à produire plus d’un millier – pour
purger l’espace aérien de l’aviation ennemie. Ils y seraient presque parvenus, si
les Alliés – qui ne possédaient pas ce type d’avion – n’avaient pris de
sérieuses mesures. Le chasseur ordinaire de l’aviation alliée n’était pas de
taille à résister au nouveau type d’avion allemand dans les airs , mais
il faut spécifier que ces derniers restèrent, pour la plupart, cloués au sol :
les raffineries produisant le combustible spécial pour ces avions avaient été
détruites par des bombardements aériens et les pistes d’envol de grande
longueur nécessaires à ces engins, faciles à détecter par les pilotes alliés, permettaient
leur destruction au sol.
L’amiral en chef Dœnitz avait promis au Führer que
les nouveaux sous-marins feraient des miracles en mer et sèmeraient la panique
dans l’Atlantique Nord parmi les convois alliés. Mais, au milieu de février
1945, deux seulement des 126 submersibles commandés avaient pris la mer.
Quant au projet de bombe atomique des nazis, qui avait causé
tant de soucis à Londres et Washington, il avait peu progressé, à cause de l’indifférence
d’Hitler et de l’habitude qu’avait Himmler d’arrêter les
savants atomistes sous prétexte de trahison, ou de les transférer d’autorité
aux recherches « scientifiques » absurdes dont il avait la marotte et
auxquelles il attachait une bien plus grande importance. Avant la fin 1944, les
gouvernements américain et britannique avaient appris, à leur grand soulagement,
que les Allemands n’auraient pas leur bombe atomique durant cette guerre [286] .
Le 8 février, les armées d’Eisenhower, maintenant fortes de
85 divisions, commencèrent à converger sur le Rhin. On pensait que les
Allemands ne se livreraient qu’à des actions de retardement pour économiser
leurs forces, avant de se retirer derrière la formidable barrière naturelle de
ce large fleuve au courant rapide. C’était ce que conseillait Rundstedt. Mais, là
non plus, Hitler ne voulait pas entendre parler de retraite. Il rétorqua à
Rundstedt que ce serait « déplacer seulement le lieu du désastre ». Par
ordre d’Hitler, les armées allemandes firent donc front – mais pas pour
longtemps.
A la fin du mois, les Anglais et les Américains avaient atteint
le Rhin en plusieurs points au nord de Dusseldorf. Quinze jours plus tard, ils
prenaient pied fermement sur toute la rive gauche, depuis la Moselle, en
remontant vers le nord. Les Allemands avaient perdu encore 350 000 hommes,
tués, blessés ou prisonniers (le nombre de ces derniers se montait à 293 000),
ainsi que la plus grande partie des armes et de l’équipement.
Hitler était dans une belle rage. Il renvoya Rundstedt pour la
dernière fois, le 10 mars, et le remplaça par le feld-maréchal Kesselring,
qui s’était signalé en Italie par sa résistance acharnée aux Alliés. En février
déjà, le Führer, dans un accès de fureur, avait envisagé de dénoncer la convention
de Genève afin, dit-il dans sa conférence du 19, de « faire
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