Le Troisième Reich, T2
comprendre à l’ennemi
que nous sommes décidés à sauvegarder notre existence par tous les moyens dont
nous disposons ».
C’est le docteur Gœbbels, ce civil sanguinaire, qui l’avait
poussé à faire cette déclaration, en lui conseillant d’abattre tous les
aviateurs capturés, en représailles des terribles bombardements infligés aux
villes allemandes. Quelques-uns des officiers présents à la conférence firent
des objections sur la légalité de cette mesure, mais Hitler rétorqua, furieux :
Au diable la légalité !… Si je proclame que je
traiterai les prisonniers ennemis sans égards pour leurs droits et sans crainte
des représailles, cela fera réfléchir les Allemands tentés de déserter (17) !
Ce fut le premier indice, pour ses fidèles, qu’Hitler, après l’échec
de sa mission de « conquérant du monde », avait décidé de finir – tel
Wotan au Walhalla – dans un flot de sang, non seulement celui de l’ennemi, mais
aussi celui de son propre peuple. A la fin de la discussion, il demanda à l’amiral
Dœnitz « de réfléchir aux possibilités de cette mesure et de venir lui en
parler le plus tôt possible ».
Dœnitz revint le lendemain avec une réponse typique :
Les désavantages pèseraient plus lourd que les avantages… Il
faudrait avant tout préserver les apparences et appliquer les mesures estimées
nécessaires, sans les annoncer à l’avance (18).
Hitler approuva. Si l’on n’assista pas à un massacre général d’aviateurs
ou d’autres prisonniers (sauf pour les Russes, assassinés selon le bon plaisir
de leurs gardiens), plusieurs furent abattus et la population civile encouragée
à lyncher les équipages alliés descendus en parachute. Un général français
prisonnier, le général Mesny, fut délibérément abattu sur les ordres d’Hitler, et
de nombreux prisonniers alliés périrent au cours des longues marches forcées
que les Allemands leur imposèrent pour les soustraire à l’avance des vainqueurs.
Privés d’eau et de nourriture, mitraillés par l’aviation britannique, américaine
et russe, ils étaient poussés en troupeaux vers l’intérieur du pays.
Le souci d’Hitler de « faire réfléchir les Allemands tentés
de déserter » n’était pas dénué de fondement. A l’Ouest, le nombre des
déserteurs – ou du moins de ceux qui se rendaient le plus vite possible – devenait
alarmant. Le 12 février, Keitel publia, au nom du Führer, l’ordre de
condamner à mort « tout soldat qui se procurerait une permission
injustifiée ou qui voyagerait avec de faux papiers… » Le 5 mars, le
général Blaskowitz, commandant le groupe d’armées H, à l’Est, proclama cet
ordre :
Tout soldat surpris loin de son unité… et qui prétendrait
se trouver à la recherche de son régiment… sera sommairement jugé et exécuté.
Le 12 avril, Himmler y ajouta une aggravation en décidant
que tout commandant incapable de tenir une ville ou un centre de communication
important « serait passible de la peine de mort ». L’ordre fut
exécuté, dans le cas des malheureux chargés de la défense d’un des ponts du
Rhin.
Au début de l’après-midi du 7 mars, des éléments avancés de
la IXe armée blindée U. S. atteignirent les hauteurs dominant la ville de
Remagen, à 37 kilomètres de Coblence. A la stupéfaction des équipages de chars,
le pont ferroviaire de Ludendorff leur apparut, intact, d’une rive à l’autre. Ils
se ruèrent sur la pente, jusqu’au bord de l’eau. Le génie se mit fébrilement à
couper tous les fils des charges de démolition. Une section de fantassins
traversa le pont à la hâte. A l’approche de la rive orientale, les premières
charges d’explosifs partirent. Le pont frémissait, mais tenait bon. Les
défenses allemandes, trop faibles, sur cette rive, furent rapidement maîtrisées.
Des chars franchirent le fleuve. Au crépuscule, les Américains possédaient une
solide tête de pont sur la rive orientale du Rhin. La grande barrière naturelle
de l’Allemagne Occidentale venait d’être franchie [287] .
Quelques jours plus tard, dans la nuit du 22 mars, la
IIIe armée de Patton, après avoir envahi le triangle du Palatinat rhénan au
cours d’une brillante opération réalisée avec la collaboration de la VIIe armée
U. S. et de la 1re armée française, traversa le Rhin à son tour, à Oppenheim, au
sud de Mayence. Dès le 25 mars, les Anglo-Américains tenaient toute la
rive ouest
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