Le Troisième Reich, T2
aides de camp, qui, désormais, se trouvaient désœuvrés et ne voulaient
pas accompagner leur chef dans une mort volontaire, demandèrent à quitter le
bunker pour se renseigner sur la situation de Wenck. Hitler les y autorisa en
les priants de faire presser l’allure du général Wenck. Les trois officiers
partirent dans l’après-midi.
Ils furent bientôt rejoints par un quatrième, le colonel
Nicolaus von Below, aide de camp d’Hitler et membre de son entourage immédiat
depuis le début de la guerre. Below non plus ne tenait pas à se suicider, et il
se sentait inutile à la Chancellerie. Il demanda et obtint du Führer la permission de le quitter. Hitler se montrait vraiment raisonnable, ce
jour-là. D’ailleurs, il voulait utiliser Je colonel d’aviation pour porter un
ultime message destiné au maréchal Keitel, que Bormann soupçonnait déjà de
trahison. Ce message contenait le coup final du Seigneur de la Guerre à l’armée,
qu’il accusait en son for intérieur de l’avoir desservi.
Il est certain que les nouvelles apportées à la conférence
quotidienne de vingt-deux heures augmentèrent encore l’amertume, déjà immense, que
le Führer nourrissait à l’égard de l’armée. Le général
Weidling, qui commandait le Volkssturm , courageux
mais composé d’hommes épuisés et trop âgés, et les Jeunesses Hitlériennes
sacrifiées dans la ville assiégée pour prolonger de quelques jours la vie d’Hitler,
le général Weidling donc précisa que les Russes avançaient dans la Saarlandstrasse et la Wilhelmstrasse et
atteignaient presque le ministère de l’Air, qui ne se trouvait qu’à deux pas de
la Chancellerie. D’après lui, l’ennemi serait devant celle-ci dans un jour ou
deux.
C’était la fin. Hitler lui-même, qui, jusqu’alors, avait dirigé
des armées inexistantes, censées venir au secours de la capitale, voyait enfin
clair. Il dicta son ultime message, qu’il chargea Below de transmettre à Keitel.
Il informa le chef de l’O. K. W. que la défense de Berlin prenait fin, qu’il
préférait la mort à la reddition, que Gœring et Himmler l’avaient
trahi et qu’il nommait l’amiral Dœnitz son successeur.
Il lui restait un mot à dire sur les forces armées qui, malgré
ses directives, avaient mené l’Allemagne à la défaite. La marine, disait-il, s’était
admirablement conduite. La Luftwaffe avait bravement
combattu et, si elle avait perdu sa suprématie du début de la guerre, seul
Gœring en portait la responsabilité. Quant à l’armée, les simples soldats s’étaient
comportés en braves mais les généraux avaient été indignes d’eux et du Führer.
Le peuple et les forces armées (continuait Hitler) ont tout
donné dans cette longue et pénible lutte. Le sacrifice a été énorme. Mais ma
confiance a été mal placée en bien des cas. La déloyauté et la trahison ont
miné la résistance, tout au long de la guerre.
Il ne m’aura donc pas été donné de conduire mon peuple à la
victoire. L’état-major de l’armée ne saurait se comparer à celui de la première
guerre mondiale. Sa conduite n’a jamais égalé celle des unités combattantes.
Du moins le Grand Guerrier nazi restait-il jusqu’à la fin fidèle
à son personnage. Les grandes victoires, c’était à lui qu’on les devait. Les défaites
et l’échec final, les autres en étaient responsables, par leur « déloyauté
et leur trahison ».
Enfin venait la recommandation suprême, les dernières paroles
qui nous restent de cet insensé :
Les efforts et les sacrifices du peuple allemand dans cette
guerre ont été incommensurables ; je ne peux croire qu’ils aient été vains.
Le but demeure : conquérir des terres à l’Est pour le peuple allemand [293] .
La dernière phrase sortait tout droit de Mein Kampf . Hitler achevait son existence comme il l’avait commencée, avec
l’obsession de ces « terres à l’Est » qu’il fallait gagner pour le
peuple allemand, le peuple favorisé. Les millions de victimes allemandes, les
millions de maisons allemandes anéanties par les bombes, la destruction même de
la nation allemande, ne l’avaient pas convaincu que la conquête des terres
appartenant aux peuples slaves de l’Est n’était – toute considération morale
mise à part – que le rêve dérisoire d’un Teuton.
LA MORT D’HITLER ET DE SON EPOUSE
Dans l’après-midi du 29 avril arriva au bunker une des
dernières nouvelles du monde extérieur.
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