Le Troisième Reich, T2
Mussolini, le compère d’Hitler, son
émule en matière de fascisme et de dictature, son complice en agression, avait
trouvé la mort en compagnie de sa maîtresse Clara Petacci.
Ils avaient été pris par des partisans italiens, le 26 avril,
alors qu’ils tentaient de s’échapper de C ô me pour passer en Suisse, et exécutés deux jours plus tard. Dans la nuit du
samedi 28 avril, leurs corps furent transportés à Milan en camion et jetés
sur la place publique. Le lendemain, on les pendit par les pieds à des
réverbères, puis on les décrocha, mais on les laissa dans le ruisseau où, le
dimanche, les Italiens eurent tout loisir de les injurier. Le 1er mai, Benito Mussolini fut enterré près de sa maîtresse dans le coin
des pauvres, au Cimitero Maggiore de Milan. C’est dans des circonstances aussi
viles que macabres qu’Il Duce et le Fascisme passèrent dans l’Histoire.
On ne sait pas si le Führer eut
connaissance des détails de la mort abjecte du Duce. On peut toutefois supposer
que le peu qu’il en sut l’ancra plus encore dans sa résolution de ne pas
permettre que sa personne et celle de son épouse, mortes ou vives, fussent « offertes
en spectacle par les Juifs aux masses hystériques » – comme il l’avait
spécifié dans son testament.
Peu après avoir appris la mort de Mussolini, Hitler prépara la
sienne. Il fit empoisonner son chien-loup préféré, Blondi, et abattre d’un coup
de revolver deux autres de ses chiens. Puis il convoqua les deux secrétaires, des
femmes, qui lui restaient, et leur remit des pilules de poison à utiliser, si
elles le désiraient, à l’arrivée des Russes. Il regrettait, dit-il, de ne pas
leur offrir de plus beau cadeau d’adieu et il leur exprima sa reconnaissance
pour leurs longs et loyaux services.
Le soir tombait, le dernier de la vie d’Adolf Hitler. Il donna l’ordre
à Frau Junge, une de ses secrétaires, de détruire les
documents restant dans ses dossiers et fit dire à tous les occupants du bunker
de ne pas se coucher avant d’en avoir reçu l’ordre. Tous comprirent qu’il avait
jugé le moment venu de leur faire ses adieux. Mais ce ne fut qu’à deux heures
trente, dans la nuit du 30 avril – au dire de plusieurs témoins – que le Führer sortit de ses appartements privés et fit son apparition
dans la salle à manger, où étaient assemblées une vingtaine de personnes, pour
la plupart des femmes. Il serra les mains à la ronde et murmura à chacun des
paroles inintelligibles. Ses yeux étaient embués de larmes et – d’après Frau Junge – « ils semblaient regarder au loin, au-delà des
murs du bunker. »
Dès qu’il se fut retiré, on constata un phénomène curieux. La
tension quasi intolérable qui régnait dans la pièce se brisa d’un seul coup, et
plusieurs personnes organisèrent une partie de danse. Elle devint bientôt
endiablée et bruyante, au point que le Führer fut obligé
de demander un peu de calme. Les Russes pouvaient arriver d’une heure à l’autre
et les massacrer tous – et nombreux étaient ceux qui pensaient déjà à leur
fuite – mais un court instant, dès lors que prenait fin l’emprise du Führer sur leur existence, ils étaient décidés à profiter au
mieux de ce qui leur restait. Il semble qu’ils aient tous éprouvé un énorme
soulagement. Toujours est-il qu’ils dansèrent toute la nuit.
Mais pas Bormann. Ce sombre personnage avait encore du travail à
faire. Ses propres chances de vivre semblaient diminuer. Il se pouvait qu’il n’eût
pas le temps d’aller rejoindre Dœnitz entre la mort du Führer et
l’entrée des Russes. Dans ce cas, et pendant que le Führer vivait
encore, Bormann pouvait du moins exercer sa hargne contre les « traîtres ».
Il envoya encore un message à Dœnitz.
Dœnitz !
Nous avons l’impression de plus en plus forte que les
divisions de la région de Berlin sont oisives depuis plusieurs jours. Tous les
rapports que nous recevons sont contrôlés, supprimés, ou tronqués par Keitel. Le
Führer vous ordonne de prendre immédiatement des mesures impitoyables contre
tous les traîtres.
Enfin, comme s’il ne savait pas que la mort du Führer était imminente, il ajouta un P. -S. : « Le Führer est vivant et dirige la défense de Berlin. »
Mais il n’était plus possible de défendre Berlin. Les Russes
avaient déjà occupé presque toute la ville. Il ne s’agissait plus maintenant
que de défendre la Chancellerie. Mais elle
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