Le Troisième Reich, T2
expression de sympathie à l’égard de la Finlande.
Pour Mussolini, aux prises avec des manifestations
anti-allemandes dans toute l’Italie, ce fut peut-être la fameuse goutte qui
fait déborder le vase. En tout cas, peu après le Nouvel An 1940, lé 3 janvier,
il vida son sac dans une longue lettre au Führer. Jamais auparavant, et
certainement jamais après, le Duce ne fut aussi franc avec Hitler ni si prêt à
donner son avis de façon aussi nette et aussi désagréable.
Il était « profondément convaincu », disait-il, que l’Allemagne,
même aidée de l’Italie, n’arriverait jamais à mettre l’Angleterre et la France « à
genoux ou même à les séparer. Le croire, c’était se leurrer. Les États-Unis ne
permettraient pas une défaite totale des démocraties. » Donc, maintenant
qu’Hitler avait assuré sa frontière orientale, était-il nécessaire « de
tout risquer – y compris le régime – et de sacrifier la fine fleur des
générations allemandes » pour tenter de leur infliger une défaite ?
On pouvait avoir la paix, suggérait Mussolini, si l’Allemagne
voulait autoriser l’existence d’ « une Pologne modeste, désarmée, qui soit
exclusivement polonaise. Sauf si vous êtes irrévocablement résolu à poursuivre
la guerre jusqu’au bout, ajoutait-il, je crois que la création d’un État
polonais… serait un fait susceptible de terminer la guerre et constituerait une
condition suffisante pour la paix. »
Mais c’était l’alliance entre l’Allemagne et la Russie qui
inquiétait surtout le dictateur italien.
… Sans un coup de feu, la Russie a tiré profit de la guerre
en Pologne et dans les régions de la Baltique. Mais moi, un révolutionnaire-né,
je vous dis que vous ne pouvez sacrifier en permanence les principes de votre
Révolution aux exigences tactiques d’une certaine période politique… C’est mon
devoir d’ajouter qu’un pas de plus dans vos relations avec Moscou aurait des
répercussions catastrophiques en Italie (45)…
La lettre de Mussolini n’avertissait pas seulement Hitler de la
détérioration des relations italo-allemandes ; elle atteignait également
un objectif vulnérable : la lune de miel du Führer avec la Russie
soviétique, qui commençait à porter sur les nerfs des deux parties. Cela lui
avait permis de lancer sa guerre et de détruire la Pologne. Cela lui avait même
donné d’autres avantages. Les papiers allemands saisis révèlent, par exemple, un
des secrets les mieux gardés de la guerre : l’aide de l’Union Soviétique, en
permettant à l’Allemagne d’importer, par les ports de l’Arctique, de la mer
Noire et du Pacifique, les matières premières les plus vitales, interceptées
par le blocus anglais.
Le 10 novembre 1939, Molotov consentit même au paiement, par
le gouvernement des Soviets, des frais de transport de toutes les marchandises
amenées par les trains russes (46). Des facilités de ravitaillement et de
réparations furent fournies aux bateaux allemands, y compris les sous-marins, à
Teriberka, port de l’Arctique à l’est de Mourmansk – Molotov avait pensé que ce
dernier « n’était pas assez isolé », tandis que Teriberka « convenait
mieux parce qu’il était plus éloigné et pas fréquenté par des bateaux étrangers
(47) ».
Tout au long de l’automne et du début de l’hiver 1939, Moscou et
Berlin négocièrent pour développer le commerce entre les deux pays. A la fin d’octobre,
les livraisons russes de matières premières à l’Allemagne, spécialement en grains
et en pétrole, furent considérables, mais les Allemands en voulaient davantage.
Toutefois, ils apprenaient qu’en économie, aussi bien qu’en politique, les
Soviets étaient des commerçants durs et rusés.
Le 1er novembre, le feld-maréchal Gœring, le grand amiral
Raeder et le général Keitel, « indépendamment l’un de l’autre », comme
Weizsaecker le nota, protestèrent auprès du ministre des Affaires étrangères
allemand, parce que les Russes demandaient trop de matériel de guerre allemand.
Un mois plus tard, Keitel se plaignait à nouveau à Weizsaecker que les
exigences russes en produits allemands, spécialement les machines-outils pour
la fabrication des munitions, « devenaient de plus en plus énormes et
déraisonnables (48) ».
Mais si l’Allemagne demandait aux Russes nourriture et pétrole, elle
devait les payer en denrées dont Moscou avait besoin et manquait. Par suite
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