Le Troisième Reich, T2
du
blocus, la nécessité de cet apport russe à l’Allemagne était si désespérée que
plus tard, le 30 mars 1940, à un moment crucial, Hitler ordonna que les
livraisons de matériel de guerre aux Russes auraient la priorité même sur celles
des forces armées allemandes [34] (50).
A un certain moment, les Allemands sacrifièrent le croiseur
lourd inachevé Lützow pour régler en partie les paiements échus à Moscou.
Auparavant, le 15 décembre, l’amiral Raeder avait proposé de vendre aux
Russes les plans et les croquis du Bismarck , le plus grand navire de
guerre du monde, (45 000 tonnes) alors en construction, s’ils en donnaient
« un prix très élevé (51) ».
A la fin de 1939, Staline participa personnellement, à Moscou, aux
négociations avec la délégation commerciale allemande. Les économistes
allemands s’aperçurent qu’il était un interlocuteur dangereux. Dans les papiers
saisis à la Wilhelmstrasse, on a trouvé des mémorandums longs et détaillés de
ces rencontres mémorables avec le redoutable dictateur soviétique dont le sens
du détail stupéfia les Allemands.
Ils comprirent que Staline ne se laisserait ni bluffer ni voler,
mais qu’il pouvait être terriblement exigeant, et par moments, comme le
rapporta à Berlin un des négociateurs nazis, le docteur Schnurre, il « devenait
très agité ». L’Union Soviétique, Staline le rappela aux Allemands, avait « rendu
un très grand service à l’Allemagne (et) s’était fait des ennemis en lui
prêtant assistance ». En retour elle espérait recevoir quelque
compensation de Berlin.
Au cours d’une conférence au Kremlin la veille du 1er janvier
1940
Staline déclara que le prix total des avions était
ridiculement exagéré ; il représentait un multiple des prix actuels. Si l’Allemagne
ne voulait pas livrer les avions, il aurait préféré que ce fût dit ouvertement.
A une réunion de nuit au Kremlin le 8 février,
Staline demanda aux Allemands de proposer des prix
appropriés et de ne pas les forcer, comme cela s’était déjà présenté. En
exemple, furent mentionnés les prix totaux de 300 millions de reichsmarks pour
les avions et l’estimation du croiseur Lützow à 150 millions de
reichsmarks par les Allemands. On ne devait pas profiter de la bonté de l’Union-Soviétique
(52).
Le 11 février 1940, un accord commercial compliqué fut
finalement signé à Moscou portant sur un échange d’articles, pendant les
dix-huit mois qui suivraient, d’une valeur minimum de 640 millions de
reichsmarks. Ceci en plus des échanges convenus au mois d’août précédent qui se
montaient en gros à 150 millions par an. La Russie devait recevoir, en plus du
croiseur Lützow et des plans du Bismarck , des canons lourds de
marine et autres engins, ainsi qu’une trentaine d’avions de guerre les plus
récents, y compris les chasseurs Messerschmitt 109 et 110 et les bombardiers en
piqué Ju-88. En plus, les Soviets recevraient des machines pour leurs
industries électriques et pétrolières, des locomotives, des turbines, des
générateurs, des moteurs Diesel, des bateaux, des machines-outils et tout un
échantillonnage de l’artillerie allemande, des chars, des explosifs, des
équipements pour la guerre chimique, etc. (53).
Ce que l’Allemagne reçut la première année fut consigné par l’O.
K. W. – un million de tonnes de céréales, un demi-million de tonnes de blé, 900 000
tonnes de pétrole, 100 000 tonnes de coton, 500 000 tonnes de
phosphates, un nombre considérable d’autres matières premières vitales et le
transit d’un million de tonnes de soja de Mandchourie (54).
De retour à Berlin, le docteur Schnurre, l’expert économique des
Affaires Étrangères, qui avait magistralement conduit les négociations pour l’Allemagne,
dressa la liste complète de ce qu’il avait obtenu pour le Reich. En dehors des
matières premières terriblement nécessaires que la Russie livrerait, Staline, dit-il,
avait promis une « aide généreuse » en agissant « comme acheteur
de métaux et matières premières dans des pays neutres ».
Le traité (concluait Schnurre) signifie une porte ouverte
sur l’Est pour nous… Les effets du blocus anglais seront sensiblement atténués
(55).
C’était l’une des raisons pour lesquelles Hitler ravala son
orgueil, soutint l’agression, très impopulaire en Allemagne, de la Russie
contre la Finlande, et accepta la menace représentée par
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