Le Troisième Reich, T2
les deux semaines qui
s’étaient écoulées depuis ma première visite à Rome, il n’avait pas pris la
décision de franchir le Rubicon, et si au cours de la visite de Ribbentrop il n’avait
pas décidé de contraindre l’Italie à la guerre (26).
Welles n’aurait pas dû s’étonner.
Tout de suite après que Ribbentrop eut quitté Rome dans son
train spécial, le dictateur italien, angoissé, fut en proie à d’autres pensées.
« Il a peur, nota Ciano le 12 mars dans son
journal, de s’être trop avancé en s’engageant à combattre les Alliés. Maintenant
il voudrait dissuader Hitler de lancer son offensive et il espère réussir lors
de l’entrevue au col du Brenner. » Mais Ciano, si borné fût-il, était plus clairvoyant. « Il est
indéniable, ajoutait-il dans son journal, que le Duce est fasciné par Hitler, une
fascination basée sur je ne sais quel élément profondément enraciné dans son
personnage. Le Führer obtiendra bien plus du Duce que
Ribbentrop. » C’était la vérité – avec des réserves, comme on le verra
bientôt.
A peine arrivé à Berlin, Ribbentrop téléphona à Ciano – le 13 mars – pour demander que la rencontre sur le Brenner fût avancée au 18 mars. « Les Allemands sont insupportables, explosa
Mussolini. Ils ne vous donnent pas le temps de respirer ou de réfléchir. »
Toutefois, il accepta la date.
Le Duce était nerveux (écrivit Ciano dans son journal ce
jour-là). Jusqu’à présent il a vécu dans l’illusion qu’une vraie guerre ne
serait jamais déclenchée. La perspective d’un choc imminent dans lequel il
pourrait rester sur la touche le trouble et, pour citer ses termes, l’humilie (27).
Il neigeait quand les trains des deux dictateurs entrèrent, le
matin du 18 mars 1940, dans la petite gare frontière du col du Brenner, au
pied des hautes Alpes au manteau de neige. L’entrevue, un os à ronger pour
Mussolini, eut lieu dans le wagon spécial du Duce, mais Hitler garda la parole
presque tout le temps. Ciano, le soir même, résume la conférence dans son
journal.
La conférence est un simple monologue… Hitler parle tout le
temps… Mussolini l’écoute avec intérêt et avec déférence. Il parle peu et
confirme son intention de marcher avec l’Allemagne. Il se réserve seulement le
choix du moment propice.
Quand il put enfin placer un mot, Mussolini dit qu’il comprenait
« l’impossibilité de rester neutre jusqu’à la fin de la guerre ». La
coopération avec l’Angleterre et la France était « inconcevable. Nous les
haïssons. Donc l’entrée en guerre de l’Italie est inévitable ». Hitler
avait passé plus d’une heure à essayer de l’en convaincre – si l’Italie ne
voulait pas être laissée dehors, à se geler et, ajouta-t-il, devenir « une
puissance de second ordre (28) ». Mais ayant répondu à la question
capitale à la satisfaction du Führer, le Duce commença immédiatement à
tergiverser.
Le grand problème, toutefois, était la date… Pour cela une
condition devait être remplie. L’Italie devait être « très bien préparée »…
La situation financière de l’Italie ne lui permettait pas de mener une guerre
qui traînerait en longueur…
Il demandait au Führer s’il y aurait danger pour l’Allemagne
à différer l’offensive. Il ne croyait pas qu’il y eût danger… Il terminerait (alors)
ses préparatifs militaires en trois ou quatre mois, et alors, il ne se
trouverait plus dans l’embarrassante posture d’un homme qui voit son camarade
se battre alors que lui-même se borne à des manifestations… Il voulait faire
plus et pour le moment n’était pas à même de le faire.
Le Seigneur de la Guerre n’avait pas l’intention de retarder son
attaque à l’Ouest et il le dit. Mais il avait « quelques idées théoriques »
qui pouvaient résoudre les difficultés de Mussolini pour monter une attaque de
front dans les montagnes du Sud de la France, puisque cette lutte, il le
comprenait, « coûterait beaucoup de sang ». Pourquoi, suggéra-t-il, ne
pas fournir une force italienne qui, avec les troupes allemandes, avancerait le
long de la frontière suisse vers la vallée du Rhône « en vue de prendre à
revers le front franco-italien » ? Avant cela, naturellement, le gros
de l’armée allemande aurait repoussé les Français et les Anglais dans le Nord. Hitler
essayait visiblement de faciliter les choses aux Italiens.
Quand l’ennemi aura été écrasé
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