Le Troisième Reich, T2
réponse fut immédiate. Des troupes aéroportées et parachutées
atterrirent à Fornebu. Vers midi environ, 5 compagnies avaient été rassemblées.
Comme elles n’étaient que légèrement armées, les troupes norvégiennes
disponibles auraient pu facilement les détruire. Mais pour des raisons jamais
tirées au clair – si grande était la confusion à Oslo – elles ne furent pas
rassemblées, encore moins déployées, et l’infanterie, bien que réduite à une
expression symbolique, pénétra dans la capitale en défilant derrière une
claironnante, mais temporaire, musique militaire. Ainsi tomba la dernière ville
de Norvège. Mais pas la Norvège ; pas encore.
Dans l’après-midi du 9 avril, le Storting, le parlement
norvégien, se réunit à Hamar avec 5 membres seulement sur 200, mais s’ajourna à
dix-neuf heures trente quand parvint la nouvelle que des troupes allemandes
approchaient et se dirigeaient sur Elverum, à quelques kilomètres à l’est, vers
la frontière suédoise. Le docteur Bräuer, pressé par Ribbentrop, demanda à être
reçu immédiatement par le roi, et le premier ministre norvégien y consentit à
condition que les troupes allemandes se retirent à une distance de sécurité, plus
au sud, exigence que le ministre allemand ne voulut pas accepter.
De fait, au même moment, la traîtrise nazie agissait une fois de
plus. Le capitaine Spiller, attaché de l’air, avait quitté l’aéroport de
Fornebu pour Hamar avec 2 compagnies de paras allemands pour s’emparer du roi
récalcitrant et du gouvernement. Pour eux, c’était plus une escapade qu’autre
chose. Puisque les troupes norvégiennes n’avaient pas tiré un coup de feu pour
empêcher les Allemands d’entrer à Oslo, Spiller ne s’attendait à aucune
résistance à Hamar. Les 2 compagnies, voyageant dans des autobus réquisitionnés,
en faisaient une agréable excursion.
Mais ils comptaient sans un officier de l’armée norvégienne qui
n’agit pas du tout comme certains de ses camarades. Le colonel Ruge, inspecteur
général de l’infanterie, qui avait accompagné le roi dans le Nord, avait
insisté pour fournir une sorte de protection au gouvernement fugitif et avait
installé un barrage sur la route près d’Hamar avec 2 bataillons d’infanterie
rassemblés en hâte. Les bus allemands furent arrêtés et, dans l’accrochage qui
s’ensuivit, Spiller fut mortellement blessé. Après avoir subi d’autres pertes, les
Allemands se replièrent jusqu’à Oslo.
Le lendemain, le docteur Bräuer partit d’Oslo tout seul par la
même route pour voir le roi. Diplomate de la vieille école, le ministre
allemand n’appréciait pas son rôle, mais Ribbentrop l’avait harcelé sans trêve
pour qu’il persuade le roi et le gouvernement de se rendre. La tâche déjà
difficile de Bräuer avait été encore compliquée par certains événements
politiques qui venaient de se produire à Oslo. Le soir précédent, Quisling s’était
finalement manifesté dès que la capitale avait été entre les mains des
Allemands ; il avait tempêté à la radio et lancé une proclamation pour se
nommer lui-même à la tête du gouvernement et donner l’ordre à toute résistance
norvégienne de cesser immédiatement.
Bien que Bräuer ne pût encore le comprendre – et Berlin ne put
jamais, même plus tard, le comprendre – cet acte de trahison condamna les
efforts faits par les Allemands pour persuader la Norvège de se rendre. Et
paradoxalement, bien que ce fût un moment de honte nationale pour le peuple
norvégien, la trahison de Quisling rallia les Norvégiens stupéfiés à une
résistance qui devait devenir formidable et héroïque.
Le docteur Bräuer rencontra Haakon VII, le seul roi du XXe siècle
qui avait été mis sur le trône par un vote populaire, et le premier monarque
que la Norvège ait eu pour elle seule depuis cinq siècles [48] ,
dans une école de la petite ville d’Elverum, le 10 avril à quinze heures. D’après
une conversation que l’auteur eut plus tard avec le monarque et la lecture des
documents norvégiens et du rapport secret du docteur Bräuer (qui se trouve
parmi les papiers allemands des Affaires étrangères saisis), il est possible de
donner un compte rendu de ce qui se passa.
Après avoir considérablement hésité, le roi avait consenti à recevoir
l’envoyé allemand en présence de son ministre des Affaires étrangères, le
docteur Halvdan Koht. Quand Bräuer insista pour voir
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