Le Troisième Reich, T2
Haakon d’abord, et seul, le
roi, avec l’assentiment de Koht, finit par consentir.
Le ministre allemand, agissant sur instructions, alternativement
flatta le roi ou essaya de l’intimider. L’Allemagne voulait préserver la
dynastie. On demandait simplement à Haakon de faire ce que son frère avait fait
la veille à Copenhague. C’était folie que de résister à la Wehrmacht. Seul un
massacre inutile des Norvégiens s’ensuivrait. On demandait au roi d’approuver
le gouvernement de Quisling et de retourner à Oslo.
Haakon, homme fin, démocrate et qui tenait beaucoup, même en ce
moment désastreux, à une procédure constitutionnelle, essaya d’expliquer au
diplomate allemand qu’en Norvège le roi ne prenait pas de décisions politiques ;
c’était exclusivement le travail du gouvernement, qu’il allait consulter. Koht
se joignit alors à la conversation et il fut entendu que la réponse du
gouvernement serait téléphonée à Bräuer à un certain point sur son chemin de
retour à Oslo.
Pour Haakon, qui, bien qu’il ne pût prendre aucune décision
politique, pouvait sûrement influencer toute décision, il n’y avait qu’une
seule réponse à faire aux Allemands. Retiré dans une modeste auberge du village
de Nybergsund près d’Elverum – au cas où les Allemands, Bräuer parti, essaieraient
de s’emparer de lui par une autre attaque surprise – il réunit les membres du
gouvernement en Conseil d’État.
… Pour ma part (leur dit-il), je ne puis accepter les
demandes des Allemands. Ce serait en contradiction avec tout ce que j’ai
considéré comme mon devoir de roi de Norvège depuis que je suis venu dans ce
pays il y a bientôt trente-cinq ans… Je ne veux pas que la décision du gouvernement
soit influencée par cette déclaration ou basée sur elle. Mais… je ne peux
nommer Quisling premier ministre, un homme en qui je sais que ni notre peuple… ni
ses représentants au Storting n’ont aucune confiance.
Si, en conséquence, le gouvernement décidait d’accepter les
exigences allemandes – et je comprends parfaitement les raisons en faveur de
cette attitude, considérant le danger imminent d’une guerre dans laquelle tant
de jeunes Norvégiens devront laisser leur vie – s’il en est ainsi, l’abdication sera pour moi le seul parti à prendre (41).
Le gouvernement, malgré qu’il dût y avoir. pas mal d’hésitants à
ce moment, ne pouvait pas être moins courageux que le roi, et il se rallia tout
de suite à lui. Quand Bräuer parvint à Eidsvold à mi-chemin d’Oslo, Koht lui
téléphona la réponse norvégienne. Le ministre allemand la téléphona
immédiatement à la légation à Oslo, d’où elle fut rapidement transmise à Berlin.
Le roi ne veut nommer aucun gouvernement dirigé par
Quisling et cette décision a été prise à l’unanimité du gouvernement. A ma
question particulière, Koht, ministre des Affaires Etrangères, a répondu :
« La résistance continuera aussi longtemps que possible (42). »
Ce soir-là, depuis une faible station radio rurale toute proche,
le seul moyen de communication avec le monde extérieur, le gouvernement
norvégien jeta le gant au puissant Troisième Reich. Il annonçait sa décision de
ne pas accepter les demandes allemandes et exhortait le peuple – il n’y avait
que 3 millions d’âmes – à résister aux envahisseurs. Le roi s’associa
formellement à cet appel.
Les conquérants nazis ne devaient jamais parvenir à comprendre
que les Norvégiens pensaient ce qu’ils disaient. Deux autres tentatives furent
faites pour persuader le roi. Le 11 avril au matin, un émissaire de
Quisling, un certain capitaine Irgens, vint presser le monarque de revenir dans
la capitale. Il promit que Quisling le servirait loyalement. Sa proposition fut
repoussée par un silence méprisant.
Dans l’après-midi, un message urgent parvint de Bräuer, qui
demandait une autre audience du roi pour parler de « certaines
propositions ». L’envoyé allemand, vivement pressé par Ribbentrop, avait
reçu l’ordre de dire au monarque qu’il « voulait donner au peuple
norvégien une dernière chance d’un accord raisonnable [49] ».
Cette fois le docteur Koht, après avoir consulté le roi, répliqua que si le
ministre allemand avait « certaines propositions », il pouvait les
communiquer au ministre des Affaires étrangères.
La réaction nazie à la rebuffade d’un pays si petit et
actuellement sans défense fut
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