Le vétéran
contrôle de leur monture et s'étaient fait désarçonner. Certains avaient même laissé tomber leurs fusils, dont les Hunkpapas s'étaient emparés avec joie. quelques minutes plus tard, les autres repasseraient la rivière qu'ils venaient de franchir et se réfugieraient au sommet d'une colline, o˘ ils subiraient un siège de trente-six heures.
Le général Custer observait ce qui se trouvait dans son champ de vision.
¿ quelques mètres de distance, Craig étudiait le grand tueur d'Indiens. On apercevait des femmes et des enfants dans le campement, mais pas de guerriers. Pour Custer, c'était une bonne surprise. Craig l'entendit apostropher les capitaines de compagnie qui s'étaient regroupés autour de lui :
- Nous allons descendre, traverser la rivière et prendre le village.
Il appela ensuite le capitaine Cooke à qui il dicta un message. H
s'adressait à ce même capitaine Benteen qu'il avait depuis longtemps expédié vers les terres sauvages. Voici ce que griffonna Cooke : ´ Venez nous rejoindre. Village important. Faites vite. Apportez du matériel. ª II entendait par là un supplément de munitions. Il confia le message au clairon Martino, qui survécut et relata l'histoire. Par miracle, l'Italien réussit à trouver Benteen : cet officier prudent avait renoncé à sa mission inutile dans les badlands pour retourner vers la rivière, avant de rejoindre Reno sur la colline assiégée. Mais à ce moment-là, il n'était plus question de se frayer un chemin vers un Custer en perdition.
Tandis que Martino s'éloignait sur la piste au petit galop, Craig se retourna sur sa selle pour le regarder. H vit en même temps vingt-quatre hommes de la compagnie F du capitaine Yates rebrousser chemin sans qu'on leur en ait donné l'ordre. Personne
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ne tenta de les arrêter. Craig tourna de nouveau la tête vers Cus-ter. Cet homme fier comme un paon ne comprenait-il donc rien ? Dressé sur ses étriers, le général leva son chapeau beige et harangua ses troupes :
- Hourra, les gars, on les a eus !
Ce furent les derniers mots que l'Italien entendit en partant, et il les répéta plus tard devant la commission d'enquête. Craig remarqua qu'à
trente-six ans, le général Custer commençait à se dégarnir, comme beaucoup d'hommes dotés d'une belle chevelure auburn. Même si les Indiens le surnommaient Longs-Cheveux, il avait préféré une coupe courte pour la campagne d'été. C'est peut-être pour cela que les squaws oglalas ne le reconnurent pas lorsqu'il fut abattu, et que les guerriers ne daignèrent pas le scalper.
Après sa harangue, Custer éperonna son cheval et bondit en avant, escorté
par les deux cent dix soldats qui restaient. Devant eux, le terrain qui s'étendait jusqu'à la rive était moins pentu et se prêtait bien à une charge en descente. Au bout d'un mile, la colonne obliqua sur la droite, une compagnie après l'autre, pour descendre la pente, passer la rivière à
gué et donner l'assaut. C'est à cet instant que le village cheyenne explosa.
Les guerriers surgirent comme une nuée de frelons, exhibant leurs peintures de guerre. La plupart étaient nus jusqu'à la taille, et ils galopèrent jusqu'à la rivière en hurlant de stridents Yip ytp. Us passèrent sur la rive est et foncèrent vers les cinq compagnies. Les Tuniques Bleues s'arrêtèrent net. Près de Ben Craig, le sergent Lewis serra la bride et marmonna encore une fois ´ Doux Jésus ª. Sitôt la rivière franchie, les Cheyennes se jetèrent à bas de leurs poneys et avancèrent à pied, s'enfonçant à l'abri des hautes herbes, se redressant pour couvrir quelques mètres en courant avant de plonger à nouveau. Les premières flèches commencèrent à pleuvoir sur les cavaliers. L'une d'elles se ficha dans le flanc d'un cheval qui se mit à hennir de douleur et se cabra si violemment qu'il désarçonna son cavalier.
- Mettez pied à terre ! Les chevaux restent à l'arrière !
C'était Custer qui venait de crier et personne n'eut besoin de se l'entendre répéter. Craig vit quelques soldats dégainer leur CoÔt 45, abattre leur cheval d'une balle en pleine tête et se servir du corps comme d'un rempart. Ceux-là étaient les plus malins.
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fl n'y avait aucun couvert défensif sur cette colline, pas le moindre rocher ou tas de cailloux derrière lequel se cacher. Pendant que les hommes mettaient pied à terre, quelques-uns furent détachés de leur compagnie pour conduire une douzaine de chevaux par la bride
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