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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frederick Forsyth
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Les pennes venaient de la queue d'une imprudente dinde sauvage. Près d'un ruisseau, il trouva des silex qu'il tailla et façonna pour en faire les pointes. Les Sioux comme les Cheyennes avaient toujours utilisé des pointes en fer ou en silex, insérées dans une fente à l'extrémité de la flèche et maintenues par des lanières en peau très fines. Des deux, c'est le silex que les habitants des Plaines redoutaient le plus. Si l'on pouvait retirer les pointes en fer en même temps que la flèche en faisant attention aux barbelures, celles en silex se brisaient fréquemment, nécessitant des opérations à vif qui s'avéraient souvent fatales. Craig fabriqua quatre de ces flèches. Le matin du troisième jour, il attrapa un chevreuil.
    quand il rentra au fort, il rapportait la bête en travers de sa selle, la flèche toujours plantée dans le cour. Il amena sa prise à la cuisine. Là, il suspendit l'animal, le vida, le dépeça et le découpa, avant d'offrir à
    la cuisinière trente kilos de gibier tout frais devant un public de citadins éberlués.
    - Elle vous plaisait pas, ma cuisine ? demanda le chef.
    - Si, si, pas de problème. J'aime bien la tarte au fromage avec des petits morceaux en couleurs.
    - «a s'appelle une pizza.
    - Je me suis juste dit qu'un peu de viande fraîche nous ferait pas de mal.
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    Pendant que l'éclaireur se rinçait les mains et les avant-bras dans l'abreuvoir, la cuisinière se dépêcha d'apporter la flèche sanglante au poste de commandement.
    - C'est un remarquable objet artisanal, dit le professeur Ingles en la retournant entre ses doigts. Bien s˚r j'en ai vu dans des musées. Même les pennes de dinde bicolores la désignent comme l'ouvre des Cheyennes. D'o˘
    les a-t-il sorties ?
    - Il dit qu'il les a fabriquées lui-même, répondit la cuisinière.
    - Impossible. Plus personne ne sait façonner le silex de cette façon.
    - Pourtant il en a quatre, et celle-ci était enfoncée dans le cour de l'animal. Ce soir, je sers du gibier frais.
    Réuni autour d'un barbecue devant le mur d'enceinte, le personnel mangea la viande avec plaisir. A travers les flammes, le professeur regardait Craig découper dans la cuisse des lanières de viande grillée avec son couteau de chasse, et il se souvint de ce que Charlie lui avait assuré. Elle disait peut-être vrai, mais il restait sceptique. Est-ce que cet étrange jeune homme pouvait devenir dangereux ? H remarqua qu'il y avait maintenant quatre étudiantes qui essayaient d'attirer l'attention du jeune sauvageon, mais ses pensées étaient toujours ailleurs.
    Vers le milieu du mois, le chien noir du désespoir rattrapa Ben Craig. Une partie de lui-même essayait de se convaincre que le Grand Manitou ne l'avait ni abusé ni trahi. La malédiction de la vie éternelle touchait-elle aussi la jeune fille qu'il aimait ? Aucun des joyeux jeunes gens qui l'entouraient ne savait qu'il avait déjà pris sa décision. Si à la fin de l'été il n'avait toujours pas retrouvé la bien-aimée pour qui il avait obéi à la requête du chaman, il repartirait dans les montagnes et la rejoindrait de son propre mouvement dans le monde des esprits.
    Une semaine plus tard, les deux chariots franchirent le portail du fort et les conducteurs arrêtèrent les chevaux trempés de sueur. Le premier chariot déchargea un essaim de bambins tout excités. H rangea dans son fourreau le couteau qu'il avait aff˚té sur une pierre et se dirigea vers les visiteurs.
    Une des institutrices lui tournait le dos. Dans son dos flottait une chevelure d'un noir de jais. La jeune femme qui se tourna vers lui était une Améri-295
    caine d'origine japonaise, au visage rond et poupin. L'éclaireur s'éloigna à grands pas, bouillant de colère. Il s'arrêta soudain, et, les poings levés vers le ciel, il se mit à crier :
    - Tu m'as menti, Mey-y-yah. Et toi aussi, vieil homme. Vous m'avez demandé
    d'attendre, mais vous m'avez égaré dans ce désert, rejeté de Dieu et des hommes.
    Tous les gens qui se trouvaient sur le terrain de manouvre entre les b
    ‚timents s'arrêtèrent pour le dévisager. Devant lui marchait un des Índiens pacifiésª, qui se retourna comme les autres. Le visage du vieillard, bruni et plissé comme une noisette grillée, aussi vieux que les rochers de la Beartooth Range, et encadré de longs cheveux blancs comme neige, l'observait sous le chapeau ´ tuyau de poêle ª. Le regard du visionnaire exprimait une infinie tristesse. Il secoua lentement la

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