Le vétéran
de Cheyennes, reconduits dans les réserves en 1877.
Lorsque John Ingles demanda s'il y avait des questions, Craig leva la main.
- Oui,Ben?
Le professeur était ravi d'avoir une question du seul étudiant qui n'avait jamais fréquenté l'école primaire.
- Major, avez-vous déjà entendu parler d'un chef appelé Tall Elk, ou d'un brave du nom de Walking Owl ?
Le professeur fut décontenancé. A l'université, il possédait assez de livres pour remplir un camion, et il avait assimilé le contenu de la plupart. Il s'était attendu à une question toute simple. Il fouilla dans sa mémoire.
- Non, je crois sincèrement que personne n'en a entendu parler, et qu'aucun témoin parmi les Indiens des Plaines ne les a mentionnés plus tard.
Pourquoi cette question ?
- J'ai entendu dire que Tall Elk s'était détaché du groupe principal, qu'il avait évité les patrouilles de Terry et passé l'hiver là-bas, dans les Pryor.
- Eh bien, je n'en ai pas connaissance. Si c'était le cas, on les aurait retrouvés au printemps, lui et sa famille. Vous devriez vous adresser à
Lame Deer, qui est maintenant au centre de la réserve des Cheyennes du Nord. Au Dull Knife Mémorial Collège, quelqu'un sera peut-être au courant.
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Ben Craig enregistra le nom. A l'automne, il se débrouillerait pour trouver Lame Deer, et il prendrait des renseignements.
Les premiers groupes de visiteurs arrivèrent le week-end suivant. Par la suite, il en vint quasiment tous les jours. La plupart venaient en bus, les autres en voiture. Il y avait des classes enca-292
drées par des enseignants, ainsi que des familles seules. Tous se garaient sur un emplacement réservé, invisible depuis le fort et distant d'un demi-mile. Des chariots b‚chés les conduisaient devant l'entrée principale. «a faisait partie de la tactique de ´ mise dans l'ambiance ª du professeur Ingles. Elle était d'ailleurs efficace. Les enfants - qui formaient le plus gros des visiteurs - étaient tout excités par le trajet en chariot, une expérience inédite pour bon nombre d'entre eux. Durant les deux cents derniers mètres, ils pouvaient se prendre pour de bon pour des pionniers de l'Ouest. Les chariots déversaient devant le fort des troupes euphoriques.
Craig était chargé de travailler les peaux, qu'il étendait au soleil sur des cadres pour les saler et les gratter, avant de les bruir et de les tanner. Les soldats exécutaient leurs exercices, le forgeron activait son soufflet, les filles aux longues robes de coton lessivaient le linge dans de grands baquets en bois, tandis que le ´ major ª Ingles guidait les groupes d'un métier à l'autre, explicitant chaque fonction et sa nécessité
pour la vie dans les Plaines. Deux jeunes gens d'origine indienne jouaient le rôle de peaux-rouges pacifiés qui vivaient au fort en tant que traqueurs et guides, au cas o˘ l'armée devrait secourir d'urgence un groupe de colons attaqué dans les Plaines par des guerriers indiens échappés des réserves.
Ils portaient des pantalons en coton, des chemises en toile bleue, de larges ceintures et de longues perruques brunes sous des chapeaux ´ tuyaux de poêle ª. Aucune attraction n'avait autant de succès que le forgeron et Ben Craig travaillant ses peaux.
- Vous avez attrapé les bêtes vous-même ? lui demanda un étudiant de Helena.
- Ouais.
- Vous avez un permis ?
- Un quoi ?
- Pourquoi portez-vous une plume dans les cheveux si vous n'êtes pas indien ?
- C'est les Cheyennes qui me l'ont donnée.
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai abattu un grizzli.
- C'est une merveilleuse histoire, fit le professeur qui les accompagnait.
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- Non, objecta le garçon, c'est un acteur au même titre que les autres.
Chaque fois que débarquait une nouvelle cargaison de voyageurs, Craig les observait attentivement, à l'aff˚t d'une cascade de cheveux noirs, des traits d'un certain visage, d'une paire de grands yeux sombres. Mais ce n'était jamais elle. Ao˚t succéda
à juillet.
Craig demanda un congé de trois jours pour retourner dans la forêt. Il se mit en route avant l'aube. Dans les montagnes, il trouva des cerisiers sauvages ; il se mit alors à l'ouvrage, avec la hache qu'il avait empruntée à la forge. Lorsqu'il eut coupé, écorcé et gratté la tige dont il voulait faire un arc, il tendit une corde qu'il s'était procurée au fort, faute de disposer de tendons d'animaux. quant aux flèches, il les tailla dans des rameaux de jeunes peupliers rigides et effilés.
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