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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frederick Forsyth
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comédien, presque exclusivement pour le cinéma, et il avait plus de cent films à son actif.
    Engagé d'abord comme figurant, sans une seule réplique à prononcer, il avait joué ensuite les utilités, incapable de décrocher un rôle important.
    C'est lui qui jouait le portier d'hôtel sur le passage de Peter Sellers : sept secondes à l'écran ; lui aussi le chauffeur du camion de l'armée qui conduisait Peter O'Toole au Caire ; droit comme un i, il avait tenu une lance de soldat romain à quelques mètres de Michael Palin. Et le mécanicien qui aidait Christopher Plum-mer à monter dans son Spitfire, c'était encore lui.
    Il avait incarné des serveurs, des porteurs, et les soldats de toutes les armées imaginables, de la Bible à la bataille d'Azin-court. H s'était mis dans la peau du chauffeur de taxi, de l'officier de police, du client anonyme dans les restaurants, de l'inconnu qui traverse la rue, du marchand de fruits qui siffle les filles, et
    ainsi de suite-Mais ça finissait toujours de la même façon. Plusieurs jours de tournage pour une apparition de quelques secondes, et après ça, au revoir et merci. Il avait approché toutes les étoiles de ce firmament de celluloÔd, côtoyé les gentlemen et les sales types, les 86
    bonnes p‚tes et les divas. Il avait la certitude de pouvoir jouer n'importe quel rôle de manière convaincante, en y mettant tout son cour. H était persuadé d'être un caméléon humain, mais jamais personne n'avait reconnu le talent qu'il était s˚r de posséder.
    Et il regardait sous la pluie le défilé de ses idoles promises à une soirée de gloire avant qu'elles ne regagnent une suite de luxe ou un appartement somptueux. Lorsque le dernier eut disparu et que les lumières se furent éteintes, il brava l'averse pour aller attendre le bus à Marble Arch. Tout dégoulinant, il fit le voyage debout dans l'allée centrale et descendit à
    huit cents mètres de son modeste studio de banlieue, entre White City et Shepherd's Bush.
    Chez lui, il se débarrassa de ses vêtements dégouttants de pluie pour s'envelopper dans la vieille robe de chambre qu'il avait chipée dans un hôtel en Espagne (L'Homme de la Mancha, avec Peter O'Toole dans le rôle-titre ; lui faisait simplement office de palefrenier.) Puis il mit une seule b˚che dans la cheminée. Ses habits mouillés séchèrent lentement pendant la nuit et il les retrouva à peine humides le lendemain matin. Il savait bien qu'il était raide, complètement fauché. Pas le moindre engagement depuis plusieurs semaines, et sa profession regorgeait de candidats, même dans la catégorie ´petit bonhomme entre deux ‚ges ª.
    Et avec ça, pas l'ombre d'un projet à l'horizon. On lui avait coupé le téléphone, et s'il voulait à nouveau contacter son agent, il serait forcé
    de se déplacer. D'ailleurs, il avait décidé de s'y rendre dans la matinée.
    H s'assit et attendit. S'asseoir et attendre, c'était ce qu'il faisait toujours. Manifestement, c'était son lot dans l'existence. La porte du bureau finit par s'ouvrir, livrant passage à une personne de connaissance.
    H se leva d'un bond.
    - Salut Robert ! Tu te souviens de moi ? Trumpy. Pris au dépourvu, Robert Powell n'avait pas l'air de se rappeler sa tête.
    - Le Boulot en Italie, à Turin. Je conduisais le taxi et toi tu étais à
    l'arrière.
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    La bonne humeur à toute épreuve de Robert Powell lui permit de sauver la face.
    - Turin, évidemment ! «a fait un bail ! Comment ça va, Trumpy ? «a baigne ?
    - Impeccable. Enfin, pas trop mal, j'ai pas à me plaindre. Je passais juste voir si tu-sais-qui avait quelque chose pour moi. Powell considéra la chemise élimée et l'imperméable défraîchi.
    - Je parie que oui. Content de t'avoir revu. Bonne chance !

    - Pareil pour toi, mon vieux ! Du cran, que diable !
    Ds se séparèrent après une poignée de main. L'agent se montra aussi aimable que possible, mais il n'avait rien à lui proposer. Un film en costumes d'époque devait se tourner à Shepperton, mais le casting était déjà fait.
    C'était une profession sans débouchés, qu'alimentaient seulement un éternel optimisme et l'espoir de tomber un jour sur un grand rôle.
    De retour chez lui, Trumpy fit un bilan très sombre de la situation. La Sécurité sociale lui versait quelques livres par semaine, mais la vie à
    Londres co˚tait cher. Il sortait juste d'un entretien houleux avec Mr Koutzakis, son propriétaire, qui lui avait encore rappelé ses loyers en

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