Le vétéran

protégeaient les systèmes informatiques des connexions illégales. La personne la mieux placée pour ouvrir un cadenas reste le serrurier lui-même ; pareillement, celui qui a conçu un système de protection sait mieux que quiconque pirater un ordinateur. Et justement, Suzie Day avait fabriqué
    ce genre de système.
    - qu'est-ce que tu comptes faire, Benny? demanda-t-elle dès qu'il eut achevé son récit.
    Il venait peut-être d'un quartier populaire de Bootle, mais son arrière-grand-père faisait partie des garçons de la ville qui s'étaient présentés aux bureaux de recrutement en 1914. Enrôlés dans les Fusiliers du Lancashire, ils s'étaient battus comme des lions dans les Flandres avant de mourir en héros. Des deux cents soldats partis au front, seuls revinrent l'aÔeul de Benny et six autres hommes. Les gènes ont la vie dure.
    - Je veux la peau de ce salopard de Slade. Je veux le couler.
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    Telle fut la réponse de Benny.
    Au cours de la nuit suivante, une idée vint à Suzie.
    - Il y doit y avoir une autre personne aussi furieuse que toi.
    - qui ça ?
    - L'ancien propriétaire. Benny s'assit dans son lit.
    - Tu as raison. H s'est fait arnaquer de deux briques. Et il n'est pas forcément au courant.
    - qui c'était ? Benny se creusa la tête.
    - J'ai jeté un coup d'oil au formulaire de dépôt. Un dénommé Trumpington Gore.
    - Numéro de téléphone ?
    - Il n'y en avait pas.
    - Et son adresse ?
    - Je ne l'ai pas retenue.
    - O˘ est-ce qu'elle peut être enregistrée ?
    - Dans la base de données. ´ Liste des vendeurs ª ou ´ Fichier de la réserve ª.
    - Tu peux y accéder ? Tu as un mot de passe personnel ?

    - Non.
    - qui en a un ?
    - N'importe quel cadre supérieur, je suppose.
    - Mortlake ?
    - Bien s˚r. Seb peut prendre tous les renseignements dont il a besoin.
    - Debout, mon petit Benny ! On a du pain sur la planche.
    Il ne fallut pas plus de dix minutes à Suzie pour se connecter à la base de données de Darcy. quand elle eut fait sa demande, la base de données la pria de s'identifier.
    Suzie avait une liste à côté d'elle. quel pouvait être le pseudonyme de Sébastian Mortlake ? L'initiale S, le diminutif Seb ou le prénom en entier ? En majuscules, en minuscules, ou un mélange des deux ? Y avait-il un point entre le prénom et le nom ? Un tiret ? Ou bien rien du tout ?
    La base de données rejeta toutes les combinaisons proposées par Suzie. Elle espérait ardemment qu'il n'y avait pas un nombre d'essais limité, après quoi une alarme se déclencherait chez Darcy pour interrompre la connexion.
    Heureusement, le technicien qui
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    avait installé le système avait pensé que les fondus de beaux-arts de chez Darcy étaient assez étrangers à l'informatique pour oublier leur propre pseudonyme. La communication fut donc maintenue.
    Au quinzième essai Suzie tomba juste. Le directeur du département s'identifiait comme seb-mort. Petits caractères, prénom abrégé, tiret, première partie du nom de famille. La base de données accepta la connexion de seb-mort et lui demanda son mot
    de passe.
    - La plupart des gens choisissent un mot qui a une valeur affective, avait-elle expliqué à Benny. Le nom de leur femme ou d'un animal domestique, le quartier o˘ ils habitent, une célébrité qu'ils admirent.
    - Seb est célibataire, il habite tout seul et n'a pas d'animal de compagnie. Il ne vit que pour la peinture.
    Us commencèrent par la Renaissance italienne et essayèrent ensuite les peintres flamands et hollandais, pour finir par les Espagnols. H était quatre heure dix par une tiède nuit de printemps lorsque Suzie trouva la solution. Mortlake était connu comme seb-mort et Goya. La base de données demanda ce qu'elle recherchait : l'identité du propriétaire du lot D 1601.
    L'ordinateur de Knightsbridge fouilla dans sa mémoire et lui fournit l'information. Mr Trumpington Gore, 32 Chestnut Gar-dens, White City, W.12.
    Suzie se déconnecta après avoir effacé toute trace de son intrusion. Elle et Benny s'octroyèrent ensuite trois heures de sommeil.
    H n'y avait que deux kilomètres jusqu'à White City, et ils les parcoururent tranquillement sur le scooter de Benny, traversant la ville qui commençait à s'éveiller. L'adresse qu'ils cherchaient correspondait à un immeuble de studios décati ; Mr T. Gore habitait au rez-de-chaussée. Il vint leur ouvrir dans sa robe de chambre espagnole.
    - Mr Gore ?
    - Lui-même.
    - Je m'appelle Benny Evans et voici mon amie Suzie Day. Je