Le vétéran

produit cette fois.
    H poursuivit :
    - Le tableau en question nous a été apporté par un pauvre type. H ne devait pas soupçonner ce qu'il possédait, sinon il ne nous l'aurait pas confié. La peinture était vraiment dans un état déplorable, tellement sale qu'on la distinguait tout juste sous la crasse. C'est un jeune assistant qui l'a examinée. Voici son
    rapport.

    Il distribua plusieurs exemplaires de l'évaluation entre cinq mille et sept mille livres qu'il avait lui-même rédigée, et tapée maladroitement au beau milieu de la nuit. Les neuf membres du conseil d'administration la consultèrent d'un air sombre.
    - Comme vous pouvez le constater, Mr Benny Evans supposait qu'il s'agissait d'une ouvre florentine, milieu du XVIe siècle, d'auteur inconnu et de peu de valeur... Malheureusement, il avait tort. Elle a été exécutée à Sienne par un maître, vers 1450. Sous cette couche de crasse, il n'a rien remarqué. Cela dit, il est clair que l'expertise a été trop h‚tive, pour ne pas dire b‚clée. Néanmoins, c'est moi qui propose ma démission au conseil d'administration.
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    Si deux des membres présents fixèrent le plafond avec insistance, les six autres secouèrent la tête.
    - Proposition refusée, Perry. quant à ce jeune homme si négligent, nous pourrions te laisser décider de son sort.
    L'après-midi même, Peregrine Slade convoqua Benny Evans dans son bureau. Il n'offrit pas de siège au jeune homme et s'adressa à lui sur un ton méprisant :
    - Je n'ai pas besoin de vous décrire la nature et l'étendue des déboires que cette affaire a attirés à Darcy. Les journaux en ont fait leurs choux gras et ils ont révélé tous les détails.
    - Je n'y comprends rien ! protesta Benny Evans. Vous avez d˚ recevoir mon rapport. Je l'ai glissé sous votre porte. Je disais qu'il pouvait s'agir d'un Sassetta, qu'il fallait le faire nettoyer et restaurer, et consulter le professeur Colenso. Tout était là.
    L'air glacial, Slade lui tendit une feuille de papier à en-tête. Evans la parcourut sans comprendre.
    - Mais ce n'est pas mon rapport ! Je n'ai jamais écrit une chose pareille !
    La colère rendait Slade livide.
    - Evans, votre légèreté est déjà assez répréhensible, mais je ne tolérerai pas votre mauvaise foi. quelqu'un qui essaie de s'en tirer par des mensonges aussi pitoyables n'est pas digne de rester dans cette maison.
    Vous trouverez Miss B‚tes à la réception. Elle réglera les formalités de licenciement. Libérez votre bureau et soyez parti d'ici une heure. Ce sera tout.
    Benny tenta d'avoir une conversation avec Sébastian Mortlake. Le directeur l'écouta aimablement pendant quelques minutes et le précéda dans le bureau de Deirdre.
    - Vous voulez bien me sortir les rapports d'expertise et les estimations des 22 et 23 décembre ?
    La machine régurgita docilement une pile de rapports, dont l'un correspondait au lot D 1601. C'était celui que Benny Evans venait de voir dans le bureau de Slade.
    - Les ordinateurs ne mentent pas, affirma Mortlake. Et maintenant, sortez d'ici !
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    Même s'il n'avait pas le bac et ne connaissait rien à l'informatique, Benny Evans était loin d'être idiot. Au moment o˘ il fut jeté à la porte, il avait très bien saisi tout ce qui s'était passé. Il comprenait aussi que tout le monde était ligué contre lui et qu'il ne retrouverait pas de travail dans les milieux de l'art.
    Pourtant il lui restait une amie. Originaire de l'Hast End, Suzie Day ne correspondait pas aux critères classiques de la beauté. Avec sa coupe punk et son vernis à ongles vert, elle aurait sans doute déplu à certaines personnes. Mais Benny l'appréciait, et c'était réciproque. Pendant une heure, elle l'écouta raconter en détail ce qui venait de se produire.
    Ses connaissances en histoire de l'art auraient pu tenir sur un timbre-poste, mais elle pouvait se prévaloir d'un talent que Benny était loin de posséder. Elle était en effet une enfant de la génération informatique.
    Jetez à l'eau un caneton à peine sorti de l'ouf et il se débrouillera toujours pour nager. Suzie avait plongé un doigt dans le cyberspace en jouant sur l'ordinateur de l'école, et elle s'y était sentie comme un poisson dans l'eau. ¿ vingt-deux ans, elle tirait d'un ordinateur ce que Menuhin tirait autrefois d'un Stradivarius.
    Elle travaillait pour une petite boîte d'informatique montée par un hacker repenti. Ils mettaient au point des dispositifs de sécurité qui