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Le vétéran

Le vétéran

Titel: Le vétéran Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frederick Forsyth
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voyait que de dos, ne cessait de répéter Hai en hochant la tête, tandis qu'une autre personne, dissimulée derrière un pilier, s'obstinait à faire monter les enchères. Bon sang, mais qu'est-ce qui lui passait par la tête ? Cette peinture n'était qu'un affreux rogaton, ça sautait aux yeux. Dans un silence religieux, le lot franchit le cap des cinquante mille livres.
    Leigh-Travers se fraya un passage à coups de coude le long du mur pour savoir qui se cachait derrière le pilier. En le voyant, il faillit avoir une attaque. Seigneur ! Le client mystère n'était autre que Bertram. Une seule explication possible : il achetait pour Darcy. Livide, Alan Leigh-Travers accrocha le regard de Slade à l'autre bout de la salle. Avec un large sourire, celui-ci lui décocha un de ses clins d'oil lascifs. C'était une preuve ; le vice-président
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    avait indubitablement perdu l'esprit. H se précipita dans le hall, là o˘
    les jeunes femmes remettaient les cartons, et appela le bureau du président par une ligne intérieure, priant Phyllis de lui passer le duc pour une urgence.
    ¿ son retour dans la salle, les enchères avaient atteint les cent mille livres et Mr Yamamoto ne se retirait toujours pas. Slade, qui montait chaque fois de plusieurs milliers de livres, commençait à se faire du souci. Vu qu'il était le seul à savoir ce que cachaient les deux perdrix, comment expliquer les enchères du Japonais ? Est-ce qu'il était au courant de quelque chose ? Impossible, puisque la peinture avait été transférée de Bury St Edrnunds. Le professeur Carpenter avait-il vendu la mèche, quelque part en Extrême-Orient ? Peu probable aussi. Peut-être Yamamoto aimait-il simplement le tableau. Est-ce qu'il pouvait manquer de go˚t à ce point ?
    S'il s'imaginait que les magnats de Tokyo et d'Osaka allaient accourir pour lui acheter cette horreur à un bon prix !
    quelque chose ne tournait pas rond, mais quoi ? D ne pouvait quand même pas ignorer les enchères de Yamamoto, pas devant une salle bondée. Impensable d'autre part d'arrêter Bertram et de laisser la peinture s'envoler vers le Japon, quand il savait ce que dissimulaient les perdrix.
    Le reste de l'assistance se rendait compte qu'il se tramait quelque chose de très curieux. Personne n'avait jamais rien vu de pareil. Cette immonde cro˚te était tout juste bonne pour un vide-grenier, et les deux enchérisseurs étaient prêts à se l'arracher à prix d'or. Un drôle de vieux bonhomme affublé d'une moustache de morse et un implacable samouraÔ. Tout le monde se figura aussitôt qu'il y avait délit d'initié.
    Il est notoire que le marché de l'art ne s'adresse pas aux gens scrupuleux, et que certaines de ses entourloupes feraient passer les porte-couteaux corses pour des enfants de chour. Tous les vieux routiers présents dans la salle se rappelaient l'histoire véri-dique de deux marchands d'art qui avaient assisté à une vente minable dans un manoir en ruine. L'un des deux avait repéré une nature morte qui n'était même pas offerte à la vente : un lièvre mort accroché dans la cage d'escalier. N'écoutant que leur intuition, ils avaient acheté le tableau. Le lièvre se révéla être en fin de compte la dernière peinture connue de Rembrandt. Mais même paralysé sur son lit de mort, le vieil Harmenszoon n'aurait pas pu commettre ces inf‚mes perdrix. L'assistance observait attentivement le tableau, cherchant à déceler le talent caché. Pendant ce temps, les enchères continuaient à monter.
    ¿ deux cent mille livres, un mouvement se fit près de la porte comme les gens s'effaçaient sur le passage du redoutable duc de Gateshead. H s'appuya contre le mur du fond, tel un condor à l'aff˚t du moindre lambeau de chair fraîche. A deux cent quarante mille livres, Slade commença à perdre sérieusement contenance. Son front était couvert de gouttes de sueur que les lumières crues faisaient briller. Sa voix avait monté de plusieurs octaves. quelque chose à l'intérieur de lui hurlait pour que cette mauvaise farce s'arrête, mais il n'avait aucun moyen d'y mettre fin. Son scénario bien rodé était en train de partir dans le décor.
    ¿ deux cent vingt-cinq mille, le tic nerveux de son oil gauche se mit à
    faire des siennes. Au bout de la salle, le vieux Bertram vit les clins d'oil se succéder et continua donc à enchérir. Slade aurait bien voulu qu'il abandonne, mais Bertram avait des consignes à respecter : un clin d'oil, une enchère.
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