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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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le visage
à la fois dur, marqué et tendre sous son beau chapeau à panache, elle se
sentait fondre comme glace au soleil printanier.
    En outre, sa discrétion tranchait avec
forfanterie coutumière à bien des hommes, se vantant de la moindre action
accomplie, et parfois même de celles dont ils n’étaient point les auteurs.
    Ainsi aimait-elle avoir appris par hasard, et
de la bouche du roi, que le magnifique cheval andalou du comte était aveugle. Elle
se souvenait de l’écurie de l’auberge où, le premier soir, confié à un
palefrenier, le beau cheval se cognait souvente fois, ses grands yeux sombres n’y
voyant rien.
    L’homme de peine, surpris, avait déclaré :
    — Mais, il n’y voit point !… Ventre
Saint-Gris, il est donc aveugle ?… Pourtant, il est arrivé ici en grande sûreté !
    Et l’homme, stupéfait, de s’asseoir sur la
paille en regardant la monture du comte sans plus bouger ni parler, ne pouvant
point comprendre que, par ensorcelante complicité, la main d’un homme puisse
être les yeux d’un cheval.
    Ce dont la baronne, elle, ne douta jamais.
    Comme elle ne douta point que cet amiral, sans
aucun doute le plus habile en le monde ; que ce guerrier qu’on redoutait
sur toutes les mers ; que ce marin intime de la mer et du vent bref, que l’homme
qu’elle aimait fût par certains côtés encore un enfant.
    Elle avait ainsi découvert elle aussi, dès la
deuxième jour en mer, cérémonie étrange et magnifique où le comte de Nissac
sortant à la nuit sur le pont saluait la lune comme une altesse royale, les
belles plumes de son chapeau effleurant le pont du Dragon Vert. Et d’imaginer
l’amiral enfant, regardant longuement et rêveusement l’astre mort, lui parlant
au point que la lune, vieille dame lumineuse, devienne amie que l’on respecte
et salue chaque nuit.
    Certes, elle n’avait point osé en parler au
comte mais approché en ce sens le second, Paray des Ormeaux, ne s’était pas
dérobé :
    — Tout l’équipage le sait, madame, et n’y
trouve point à redire.
    — Ni à se moquer ?
    — Nul n’y songe. La cérémonie est
peut-être barbare, ou remonte à très anciens temps, mais les marins sont
rassurés que l’amiral soit en si bonne et profonde intimité avec dame lune.
    La baronne approuva :
    — Il est vrai, et la chose est fort belle.
Et ces plumes qui représentent si bien sa vie en leurs magnifiques couleurs est
de sa part grand hommage.
    Le second, très vivement intéressé, demanda :
    — Ah çà, madame, auriez-vous découvert
origine de ce beau panache dont nul, ici, n’a jamais percé le secret ?
    — Je ne sais… Mais la profondeur verte du
flot couronné d’écume blanche de la vague et au loin l’étendue bleue de la mer
se confondant avec le ciel, n’est-ce pas les trois états de l’océan qui
figurent en les plumes du chapeau de monsieur l’amiral ?… N’est-ce pas
moyen de rendre hommage à telles beautés maritimes ?
    Elle, en tout cas, le pensait. Il lui sembla
que le comte tenait en cette délicatesse et son tendre sentiment pour lui y
trouva à prospérer.
    Le second, admiratif, lança :
    — Les femmes seront toujours pour moi
grand sujet d’étonnement car à n’en pas douter, vous avez raison.
    Une autre fois, le cœur serré, elle avait
entendu l’amiral, qui ne la voyait pas, aux prises avec monsieur Fey des Étangs :
    — Ah çà, à la fin, monsieur, me
direz-vous si c’est là aimer que de passer si vite d’une femme à l’autre sans
les vraiment connaître, tel le papillon allant de fleur en fleur ?
    — Hélas, monsieur l’amiral, pour qui sait
les bien regarder, toutes les femmes au monde sont belles et je les désire
toutes pareillement.
    — Je vous souhaite pourtant d’aimer d’amour
une seule femme, car c’est en le cœur de celle-ci que vous découvrirez la clef
du monde. Et pareillement connaîtrez le bonheur.
    La baronne courut aussitôt se cacher en sa
cabine pour qu’on ne vît point sa joie car ces paroles allaient dans le sens de
ce qu’elle croyait profondément elle aussi.
    Elle dormait chaque nuit en la grande chambre
de l’amiral qui, dès qu’elle arrivait, émigrait aussitôt vers le logis des
officiers.
    En cette pièce, elle observait longuement les
lieux, passait une main légère sur cartes marines, plans de batailles et notes
sur les combats, ce qui avait été fait et pourrait l’être mieux encore tout en
admirant la belle écriture penchée du

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