Le Voleur de vent
tuer le roi de
France et qu’à travers ses châteaux attaqués commençait son châtiment.
Aussi ne put-il empêcher léger tremblement de
sa voix et commit-il la bêtise de citer ses domaines ce qui l’aurait rendu
identifiable si tous, ici, ne savaient déjà qui il était. Mais la faute était
là tout de même.
— Mon château de Cadillac !… Mon
château de Beychevelle !… Incendiés tous deux !… Mes gens tués !…
Ils ont frappé avec la rapidité de l’éclair et se trouvent être des centaines, des
milliers, peut-être !
On entendit rire aigre puis petite voix
désagréable qui était celle de ce moine dont on ne connaissait point limite de
la puissance, et que redoutait tant le duc d’Épernon :
— Vous vous égarez pour mieux nous perdre !
Le duc songea que si la phrase était sèche, au
moins, en la présence des autres comploteurs, le moine évitait de la tutoyer et
de l’insulter. Il protesta pour la forme :
— Puissants et nombreux. Mes gens, ceux
du moins qui ont survécu, me l’ont assuré.
En le silence total, on entendit le moine
soupirer, puis :
— Épernon, vos gens allaient-ils vous
confesser qu’ils furent battus, écrasés et humiliés par force beaucoup moins
nombreuse ?… Car ainsi en était-il à Cadillac où les assaillants ne
dépassaient point la douzaine.
— Comment le savez-vous ?… hurla d’Épernon,
excédé.
— Tout doux, Épernon, tout doux !… Il
n’est point cent façons de faire parler laquais ou paysans : la dague sur
la gorge et les yeux dans les yeux. À moi, tous avouèrent le faible nombre des
assaillants de Cadillac. Des gens d’épée exceptionnels et la chose est si rare
en ce degré de perfection qu’il sera aisé de savoir qui ils sont. Pareillement,
ce bateau, un galion, doit être identifiable pourvu qu’on demeure calme et
sache poser les questions à qui de droit. N’êtes-vous point, tel qu’on m’a dit,
Grand Amiral de France ?
Le duc baissa la tête.
Tout ce que disait ce moine lui semblait
brusquement grande évidence et il se demanda pour quelle raison il n’y avait
point songé lui-même.
66
Après un jour de voyage, le comte de Nissac et
les siens arrivèrent au Louvre en la matinée.
Ils avaient dormi en auberge proche de Paris, craignant,
la veille, de voir fermées les portes de la capitale.
Privilège rare, le roi vint au-devant du comte
et de la baronne qu’il connaissait déjà tandis qu’un pas en arrière se tenaient
les barons Fey des Étangs et Sousseyrac, tous deux fort impressionnés, ainsi
que le seigneur Yasatsuna qui semblait comme égaré en pareil endroit.
Le roi, souriant, s’avança tandis que
courtisans et belles dames regardaient les nouveaux venus avec grand intérêt
car si tous avaient entendu parler du légendaire amiral de Nissac peu, ici, connaissaient
ses traits.
Les hommes sentirent en leur instinct la force
rare qui se dégageait de l’amiral au visage creusé sous très beau chapeau à
plumes.
Les femmes, elles, l’observèrent avec soin, songeant
qu’elles aimeraient avoir tel homme pour amant en raison qu’il est flatteur d’être
la maîtresse d’un si vaillant seigneur mais, pour quelques-unes plus subtiles, elles
étaient émues tant l’amiral semblait assemblage de l’eau et du feu, mélange d’audace
et de timidité.
Les courtisans ne tardèrent pas à remarquer
peu ensuite la baronne à robe bleue très simple mais portant dague à la
ceinture, et les battements de leurs cœurs s’accélérèrent. La jeune femme
blonde semblait tout à la fois de bonne noblesse mais possédant un petit côté
amazone en une bande de brigands, si bien qu’on l’imaginait tout autant
recevant invités en la salle d’armes d’un château que rançonnant voyageurs au
cœur d’une forêt profonde. Tous devinaient n’être point le genre d’homme
susceptible de séduire pareille femme. Mais, s’ils s’en doutaient, chacun
imaginait cependant la chose possible et se voyait forçant en un lit la belle
jeune femme à allure si sauvage, à moins qu’ils ne se pensent cerf couvrant
biche fragile.
Les dames de la Cour jetèrent regard hautain, distant,
voire méprisant sur la baronne mais toutes l’envièrent car non seulement le
comte la regardait telle que son amour se devinait mais le roi lui-même, malgré
de visibles efforts, ne parvenait point à dissimuler pensées lubriques que d’évidence
lui inspirait la jeune femme blonde.
Cependant, leur
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