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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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courroucé, ou à tout le
moins surpris ; il parut amusé.
    — Le devoir recèle certain plaisir subtil
car toute contrainte est occasion de se mesurer à quelque chose alors que ne
rien faire, ne rien tenter, c’est, me semble-t-il, tomber en une lassitude qui
donne dégoût de la vie.
    Cette réponse agaça la jeune femme.
    — Et c’est ainsi depuis que sur la terre
il existe des Nissac, tous plus vertueux et fidèles les uns que les autres car
ils trouvent cela en leur berceau.
    — Les choses ne sont point ainsi que vous
le dites, madame. La valeur des Nissac des temps passés est au contraire chose
pesante dès l’enfance. Voyez-vous, tel qu’à chaque repas il faut dresser la
table, chaque nouveau comte de Nissac doit prouver qu’il est digne de ceux qui
l’ont précédé.
    Elle se fit ouvertement ironique.
    — Le cercle divin de ceux qui font leur
devoir jusqu’à la mort qu’ils accueillent sourire aux lèvres, en véritables
soldats.
    — Des Nissac sont morts sans sourire, agonisant
pendant des heures en d’horribles souffrances, une jambe emportée par un boulet
ou un sabre en travers du corps. Notre ambition est celle que vous dites, être
loyal et ne pas être un embarras pour les autres. Et puis comme le répètent les
Anglais : « No explain, no complain »… Je suis comme mes
ancêtres : c’est par peur de mal faire que je réfléchis beaucoup, ce qui
me donne quelquefois un court avantage.
    Il la regarda, tendrement moqueur, et la
phrase qu’il dit alors bouleversa la jolie baronne :
    — Plutôt que de vous les expliquer, ce
qui est long et ennuyeux, j’espère quelque jour pouvoir vous faire vivre ces
choses, madame.
    Puis, changeant brusquement de ton comme s’il
craignait le danger d’un tendre épanchement :
    — Vous devriez vous préparer. Dans deux
heures, nous serons arrivés à notre destination. Nous passerons immédiatement à
l’attaque.

71
    —  Avez-vous des
nouvelles ?… demanda avec anxiété le Père Coton, confesseur du roi, qui le
représentait en cette rencontre secrète convoquée à son initiative sans la
présence d’intermédiaires.
    — Aucune qui soit récente. Le Dragon
Vert se trouvait alors fort loin en les mers du nord, ayant fait long
détour en la direction de l’Écosse afin de tromper les Espagnols. Cela réussi, après
les îles Orcades, il devait aller droit vers Bergen, en le royaume de Norvège, pivoter
complètement sur son flanc droit et fondre vers les îles Frisonnes d’Occident. Telle
est la route qu’a voulue l’amiral, sans fournir d’explications.
    Ayant ainsi parlé, le Père Joseph, qui
agissait pour le compte de l’évêque de Luçon, duc de Richelieu, regarda autour
de lui en cet endroit isolé du Louvre afin de s’assurer que nul ne les épiait.
    Le Père Coton répondit :
    — J’ai la fort désagréable impression que
l’amiral de Nissac, pour une fois, et peut-être la première, peine à la tâche.
    — Les conditions de navigation sont
épouvantables. Voyez ce qu’il en est du froid à Paris, jugez de ce qu’il peut
en être en l’extrême Europe du nord. Le navire est alourdi par la glace qu’il
faut casser sur les voiles et les cordages plusieurs fois par jour. La tâche, comme
vous dites, est inhumaine. Nous demandons l’impossible à Nissac car tous les
bateaux demeurent en les ports, fuyant les vents polaires et les tempêtes de
neige qui se succèdent.
    — C’est bien ce qui rendra cette attaque
éblouissante : aucun esprit humain, et pas plus les Espagnols que les
autres, ne peut prévoir pareil assaut en ces conditions infernales.
    — C’est en cela que le plan de Nissac est
si redoutable.
    Le Père Coton ne s’attarda pas à cet aspect
des choses.
    — Le roi veut des nouvelles.
    — En son dernier message, parvenu à très
grand peine, le comte de Nissac expliquait que le froid est si vif que ses
pigeons gèlent en plein ciel et que les mouettes elles-mêmes tombent en la mer
telles des pierres.
    — Mais alors l’amiral, son navire si
alourdi, ne risque-t-il pas de sombrer ?… demanda le Père Coton soudain en
vive inquiétude.
    Le Père Joseph, agacé, répondit :
    — C’est ce qui semble le plus certain. Mais
rassurez-vous, s’il ne sombre pas, à un contre mille, il est peu probable qu’il
en revienne.
    — Pourvu qu’il sème la panique chez les
Espagnols et que ceux-ci ne se sentent en sécurité nulle part…
    Devinant qu’il était allé un peu loin

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