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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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de
peau ne lui portât contradiction.

91
    En la lumière incertaine de l’aube le roi, triste
et songeur, regardait le Louvre et, au-delà, Paris.
    L’avait-il convoitée, cette ville qui si
longtemps s’était refusée à lui ?… Il l’avait désirée davantage que toutes
les femmes – celles, très nombreuses, qui s’étaient données à lui mais aussi
celles qui s’étaient refusées, beaucoup plus rares, et les seules qu’il
respectait.
    Il se souvint de la prise de Paris, le vingt
et un de mars 1594, soit seize années plus tôt. La ville se trouvait alors aux
mains de la Ligue, appuyée par des troupes espagnoles. Mais le peuple était las,
irrité par la présence des Espagnols appuyés de contingents wallons et
allemands. Pareillement, la Ligue s’était déconsidérée par ses excès : on
avait été jusqu’à exhumer les « hérétiques » pour brûler leurs os !
    Le gouverneur de Paris, le comte de Brissac, s’était
secrètement rallié au futur roi et malgré les soupçons du duc de Feria, qui
commandait les Espagnols cantonnés à Paris, avait dressé un plan.
    Ce jour-là, les officiers espagnols, peu
rassurés, faisaient montre de méfiance, inspectant les postes jusqu’à trois
heures du matin.
    Mais bientôt, tout change, et avec quelle
rapidité !…
    À quatre heures, en la nuit noire, monsieur d’Épinay
Saint-Luc, un flambeau à la main et flanqué de cent arquebusiers du parti royal,
se présente en avant-garde devant la Porte Neuve, que des hommes de Brissac lui
ouvrent. Peu après, on massacre en silence le détachement wallon de garde à la
Porte Saint-Honoré. Le pont-levis est abaissé. Le roi, poussant son cheval, foule
enfin le pavé de la rue Saint-Honoré.
    Toute l’armée royale s’engouffre à sa suite et
déferle en la ville endormie avec armes et bagages en un interminable défilé.
    Le jour n’est point encore assuré que ceux qui
se firent remarquer par leur excès au sein de la Ligue ou leur zèle à servir l’envahisseur
espagnol se sauvent à travers champs. Quelques heures plus tard, humilié, le
puissant duc de Feria doit négocier le départ des troupes d’occupation menacées
de massacres par la population libérée.
    Seize ans !
    Le roi eût aimé revivre ces années si vite
enfuies. Il se sentait vieux. Il songeait, comme bien des hommes, que passé
cinquante ans on est toujours fatigué et que sans cesse, en le corps, quelque
chose ne va pas.
    Il se retourna à demi et vit en sa couche
forme d’une femme nue endormie. Il ne se souvenait même plus de son nom. Aujourd’hui,
ses sens satisfaits, ne lui venait plus l’envie de plaisanter avec ses
maîtresses comme par le passé. Sitôt la chose faite, il ressentait dégoût non
des femmes mais de lui-même, et pensées de mort un instant reléguées en l’oubli
par l’acte d’amour.
    Il soupira.
    Tout cela suivait une implacable logique. Ainsi,
il ne pouvait entreprendre cette guerre qui serait la plus grande de son règne
en laissant le désordre en les affaires du royaume car, si un boulet lui
enlevait la vie, tous voudraient le pouvoir au détriment de son fils Louis. Il
fallait donc procéder au sacre – si longtemps retardé – de la reine afin qu’elle
puisse assurer une régence après sa mort. Mais si cette possibilité existait, dès
lors, plus rien ne retiendrait le bras des assassins.
    Henri quatrième regarda longuement Paris. En
cette ville, quelque part, dormait sans doute l’homme qui l’allait tuer.
    Le « tâteur »,
peu rassuré, regardait ceux qui lui faisaient face : Nissac, Sousseyrac, Fey
des Étangs, Yasatsuna, Valenty et la comtesse de Nissac qui ne cachait guère
son dégoût. Il eût aimé, malgré les circonstances, fouiller le bas-ventre de
madame de Nissac avec son gantelet de fer hérissé de pointes car ainsi était-il
fait qu’en toutes circonstances, son vice l’emportait sur toutes autres choses.
    Craignant cependant qu’on ne lui donnât la
mort, il avait jusqu’ici répondu sans trop mentir aux questions qu’on lui
posait, se plaignant sans cesse qu’une de ses mains avait été brisée par le
seigneur Yasatsuna.
    Ainsi avait-il reconnu qu’il n’était point
magicien mais vivait en réalisant sur les foires et marchés des tours d’habileté,
telle cette façon de faire apparaître colombe en sa main vide un instant
auparavant, et qu’il tenait d’un vieux maître sicilien.
    Il avoua sans détour qu’un puissant seigneur

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