Le Voleur de vent
pour
assister au sacre, place qui lui revenait de droit car sa noblesse était une des
plus anciennes de France mais en vérité, si le sacre de la reine l’intéressait
en cela qu’il risquait de plonger rapidement le royaume en le deuil, la
cérémonie ne suscitait chez lui qu’indifférence.
Il s’y rendit pourtant, et fit demander qu’on
allât quérir Luc de Fuelde qui fit répondre qu’il se trouvait « trop
occupé » pour rencontrer l’amiral de Nissac.
Celui-ci, un instant perplexe, envoya autre
émissaire avec message plus ferme mais la réponse fut plus désagréable encore, Fuelde
prétextant qu’il « n’avait point de temps pour monsieur de Nissac ».
L’amiral n’insista pas.
Peu après la cérémonie, tandis que le carrosse
où se tenait Luc de Fuelde allait en une rue tranquille, Sousseyrac arrivé au
galop sauta de cheval et s’installa près du cocher. Il lui sourit, mais le
regard demeura froid et, montrant ses larges mains :
— Déplais-moi en n’exécutant point mes
ordres et je te tords le cou comme à un poulet.
— La chose n’est point nécessaire, monseigneur !…
répondit le cocher en grande docilité.
Pendant ce temps, sautant depuis son haut
cheval noir, Nissac s’invita à l’intérieur du carrosse tandis que Valenty et
Fey des Étangs rattrapaient sa monture par la bride ainsi qu’ils avaient
procédé avec celle du baron de Sousseyrac.
Le comte de Nissac observa les deux passagers
du carrosse qui avaient soudainement pâli, Richelieu davantage encore que Luc
de Fuelde.
Ce dernier, au comble de l’embarras, se
torturait les mains. Nissac, très conscient du malaise de Fuelde, se garda bien
de hâter les choses, ce lourd silence faisant partie de la punition.
Enfin, il se décida à parler :
— Eh bien, l’abbé, que ressent-on lorsqu’on
a comme vous trahi son roi, ses amis et son propre cousin, monsieur de Valenty ?
S’en remettant au verbe, terrain où il
excellait, l’abbé fut aussitôt plus à l’aise :
— Mais, monsieur l’amiral, je ne trahis
personne !… Je sers mon roi à ma façon, qui n’est certes point la vôtre, et
je remarque d’ailleurs que…
Il se tut, la mâchoire comme prise en un étau,
la main gantée de gris de l’amiral s’étant refermée dessus tandis que de son
autre main, Nissac ouvrait la porte du carrosse. Puis, tirant le visage de l’abbé
en tenant toujours la mâchoire en sa main puissante, l’amiral l’obligea à se
lever et le précipita dehors en disant :
— Adieu, marchand d’oublies !
Luc de Fuelde se brisa l’épaule en tombant du
carrosse, roula sur lui-même puis se retrouva à genoux à proximité de deux
hommes en vert qui déféquaient sur le pavé, escomptant sans doute qu’on
accuserait les chiens.
Impuissant, l’abbé vit le carrosse s’éloigner,
entouré des officiers du Dragon Vert à cheval parmi lesquels Stéphan de
Valenty se retourna et, ôtant son chapeau à plumes d’un geste large :
— Oh, bien le bonjour, mon cousin !
Cependant, à l’intérieur du carrosse, l’évêque
de Richelieu, au comble du malaise et souffrant horriblement du gros furoncle
placé en son fondement, cherchait à éviter les yeux gris de l’amiral.
Sur un ordre de Sousseyrac, la voiture s’arrêta
en la rue Saint-Sauveur et Nissac tira aussitôt les rideaux, ce qui ne contribua
guère à rassurer Richelieu.
Assis en face de l’évêque, les coudes sur les
genoux et le visage en les mains, Nissac, ses yeux gris à présent curieux, lança :
— Expliquez-vous.
Richelieu cherchait à se défiler sans en avoir
sans doute conscience. Il admira mentalement les belles plumes du chapeau de l’amiral
puis, trouvant la position du comte fort curieuse, et même assez émouvante, il
songea : « Tenant ainsi son visage en ses mains, ce Nissac semble
petit enfant attendant qu’on lui conte belle histoire… »
Puis, l’émotion qui ne faisait généralement
que passer en l’âme de Richelieu fit place au calcul : « S’il veut
entendre belle histoire, je le puis gâter »…
Richelieu porta la main devant sa bouche, retint
à demi petite toux des plus mondaines puis, se donnant accents de l’indignation :
— Amiral, vous outrepassez très largement
ce que l’on attendait de vous.
— Mais encore ?
— Vous êtes partout à la fois, vous
faites éclater hôtels, vous tuez, vous interrogez… c’est trop, beaucoup trop !
Nissac hocha la tête,
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