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Le Voleur de vent

Le Voleur de vent

Titel: Le Voleur de vent Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Frédéric H. Fajardie
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sombre car il était peu de fenêtres mais, avec leurs toits
de chaume, ces demeures défiaient les siècles. Certes, les paysans allaient
nu-pieds et vivaient ici avec leurs bêtes mais en ces lieux régnait souvent
plaisir de vivre et quand au bonheur, faute qu’il eût l’idée de venir par
lui-même en tels endroits, on n’hésitait point à l’aller chercher.
    Le repas achevé, les femmes s’occupaient aux
quenouilles, tout en parlant, quand les hommes s’activaient eux aussi car il y
avait le cuir à graisser, le chanvre à teiller et les cerneaux à denoiseller.
    Mais, plus souvent, on parlait devant la
cheminée, évoquant souvenirs du temps jadis, disant grand mal des voisins ou
chantant tandis que, dans l’ombre propice, jeunes garçons et filles se
caressaient le corps avec mains indiscrètes…
    Parfois, lorsqu’il neigeait, les femmes
étendaient la buée [15] en
la maison et les murs sombres devenaient alors si gais qu’on eût dit qu’il
neigeait aussi en l’intérieur des logis, ce qui rendait plus vifs les airs du
joueur de vielle convoqué à pareille fête.
    En tous ces foyers, le comte de Nissac, au
matin, laissait une pièce d’or, parfois en la remettant à un enfant, plus
souvent en la glissant au fond d’un bol ou sous un pot.
    Le voyage se passait donc en grande
tranquillité, ou presque…
    À Avignon, deux brigands lui avaient bien
barré la route mais Nissac portant les mains à ses pistolets, tandis que ses
yeux gris soudain inexpressifs ne quittaient pas les deux hommes, c’est ceux-ci
qui avaient demandé grâce sans qu’il y eût combat.
    À Valence, autre aventure faillit finir plus
tragiquement. Femme dite adultère se trouvait obligée de courir nue en les rues
de la ville sous les huées de la population lorsque Nissac parut, seul, tenant
son cheval par la bride, sa haute silhouette barrant la rue étroite. Arrêtant
la femme d’un geste de sa main gantée de gris perle, il couvrit de sa cape bleu
marine la nudité de la malheureuse.
    Ainsi était le comte de Nissac qui ne tenait
aucun compte de la tradition lorsque celle-ci attentait à la dignité humaine.
    Privée de son spectacle, la foule gronda, dépêchant
au beau seigneur empanaché quelques forts-à-bras mais cela ne sembla point du
tout impressionner l’étranger qui calmement tira l’épée.
    La résolution de Nissac était sans faille mais
elle fut encore plus solide en son cœur lorsque la malheureuse lui dit d’une
petite voix tremblante :
    — Mon beau seigneur, ils vous mettront à
mal tant ils sont mauvais et, n’étant que femme de perruquier, je ne vaux point
que vous exposiez ainsi votre vie.
    Nissac la regarda plus attentivement. Elle
était forte, la peau vilaine mais le regard si doux, tant résigné à subir le
mal qu’on lui souhaitait imposer, que le comte de Nissac en fut ému comme si
son âme frissonnait.
    Il lui sourit et répondit :
    — C’est à moi seul d’en juger, madame.
    — Ne m’appelez point madame, seigneur, vous
devez savoir que je ne vaux rien.
    — Ah ?… Il faudra que je m’en
souvienne car j’ai peu de mémoire lorsque je ne suis point d’accord… Madame.
    — Mais monseigneur, s’ils allaient vous
tuer, vous seriez mort pour moi et c’est… c’est…
    — Ce serait grand honneur, madame !
    Trois hommes engagèrent Nissac qui, pour leur
malheur, maniait aussi divinement l’épée que le sabre si bien que tous trois
furent désarmés et gratifiés d’un coup sur le cul qui, la lame entrant
profondément, provoqua saignement.
    En la foule, on hésita avant d’en déléguer
quatre autres, qui ne furent pas plus heureux car se trouvant désarmés et
fessés à l’épée plus rapidement encore que les précédents.
    Vinrent alors les soldats mais le sergent, homme
d’un certain âge, remarqua la mise et les manières de l’inconnu, soupçonnant un
haut seigneur qu’il pria de se présenter, ce que fit l’intéressé :
    — Thomas de Pomonne, comte de Nissac, amiral
des mers du Levant. Service du roi.
    Le sergent rectifia la tenue et la position. Pour
sa part, il aurait bien laissé filer ce comte car le service du roi ne souffre
point de retard mais la foule espérait toujours qu’on lui rendrait la femme
adultère. Là encore, le sergent aurait volontiers soustrait cette pauvre
créature à ses tourmenteurs car par goût, il se trouvait de ceux qui supportent
mal qu’on humilie les femmes. Cependant, il craignait les ennuis, aussi

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